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Chapitre 13 : Sakura et Nadeshiko

Le lancement des festivités

Dans une grande salle, un large groupe de jeunes garçons et filles, habillés sur leur 31, étaient assis face à une scène. Un brouhaha s’échappait, signe que l’assemblée commençait à s’impatienter.

Une jeune femme, à peine plus âgée qu’eux, s’avança sur la scène, en direction d’un pupitre. Sans qu’elle ait eu besoin d’appeler au silence, le bruit qui régnait quelques minutes auparavant s’estompa, laissant place à des murmures, avant de s’éteindre complètement.

– Bonjour à tous, je m’appelle Sakura Kinomoto, je suis professeure de sport au lycée de Tomoeda, et l’entraineuse de l’équipe d’athlétisme. Je suis extrêmement ravie d’être avec vous aujourd’hui pour lancer les festivités du Seijin shiki.

La journée de la majorité commençait toujours par un rassemblement de tous les jeunes qui avaient déjà eu ou allaient avoir leurs 21 ans au cours de l’année. Le matin, avant la cérémonie officielle, plusieurs intervenants passaient sur scène pour un discours, dans lequel ils relataient leur expérience, en vue de motiver la nouvelle génération.

– Vous vous demandez surement, mais qu’est-ce qu’elle fait là, celle-là ? Et bien, quand la maire de Tomoeda, Madame Yoshida, m’a proposé de faire le discours d’ouverture, j’ai tout de suite accepté, sans prendre le temps d’y réfléchir. Pour moi qui n’ai jamais eu l’occasion de célébrer mon passage à la majorité avec mes proches, c’est un véritable honneur d’être ici. Après la fin du lycée, j’ai décidé de quitter le Japon pour découvrir l’Europe. Je me suis finalement arrêté en France où j’ai continué mes études, et d’où je suis revenue il y a moins d’un an. Le jour de ma 21ème année, j’étais donc en France, et je n’ai pas eu l’opportunité de le fêter de cette manière.

Sakura s’arrêta un instant, posant la main sur son cœur, avant de continuer.

– Au-delà de la joie de célébrer ce jour avec ses amis, c’était aussi la joie pour moi de pouvoir porter ce kimono qui a un sens et une histoire très particulière. Enfin bref, ce n’est pas pour vous raconter tout ça que Madame Yoshida m’a demandé de faire ce discours d’introduction.

Quelques rires s’échappèrent de l’assemblée. Sakura avait le chic pour dévier de sa cible.

Le kimono que portait Sakura avait une signification particulière, puisque c’est aussi celui que portait sa mère lors de la célébration de sa majorité. Pendant toutes ces années, et pour respecter le souhait de sa défunte femme, Fujitaka l’avait précieusement gardé pour le donner à Sakura. A défaut d’avoir pu lui donner pour son propre Seijin shiki, il le lui avait confié aujourd’hui, une manière pour elle d’honorer la mémoire de sa mère. C’est avec fierté qu’elle l’arborait sur la scène.

Avant de continuer, elle s’arrêta un instant et se tourna vers les coulisses, où elle voyait Madame Yoshida s’agiter et lui faire de grands signes, lui signalant qu’il fallait qu’elle accélère la cadence.

– Peut-être que quelques-uns d’entre vous ont déjà trouvé leur voie et ont mis fin à leurs études pour rentrer dès maintenant dans la vie active, mais pour la plupart vous êtes entré à l’université. Quand on a votre âge, on se pose beaucoup de questions, je le sais très bien, c’était il n’y a pas si longtemps pour moi. Est-ce que je vais trouver un travail ? Est-ce que j’ai choisi le bon cursus ? A quoi va ressembler ma vie plus tard ? Pourquoi suis-je là ? Toutes ces questions, je me les suis souvent posées. Partir à l’étranger était un choix très difficile. Revenir à Tomoeda aussi. L’important n’est pas de savoir si nous faisons le bon choix, mais d’assumer ces choix, de les faire par envie et non pas par obligation. Tous ces choix que nous faisons, du plus impactant au plus insignifiant, font de nous ce que nous sommes, sont des nouvelles opportunités, et peuvent aussi avoir un impact sur les autres. Ce sont ces choix et l’acceptation de ces choix qui nous font grandir, tous ensemble. N’ayez pas honte de qui vous êtes, et de ce que vous faites.

Les étudiants étaient perplexes. Alors que d’habitude ce genre de cérémonie était très formelle, très institutionnelle, ils avaient devant eux un jeune professeur qui les encourageaient à vivre pour eux, et de ne pas se soucier de l’image qu’ils renvoyaient aux autres.

Côté coulisses, c’était l’effervescence. Madame Yoshida était en train de faire de grands signes, espérant que Sakura se retourne et la voit. Elle n’avait pas signé pour ce discours.

– Sakura, il va falloir que tu finisses rapidement, dit Tomoyo à son amie, à l’aide l’oreillette que Sakura portait. Madame la maire n’a pas l’air très contente de la tournure que prend ton discours.

– La société japonaise a tendance à formater ses citoyens, d’en faire des braves soldats qui ne sortiront pas des rangs. Mais maintenant, vous êtes adultes, vous avez le pouvoir de faire bouger les choses. Vivez pour vous, vivez pour vos proches, vivez pour vos rêves.

Sakura s’inclina devant l’assemblée, avant de repartir vers les coulisses. Mais, quand elle vit Madame Yoshida, rouge de colère, elle fit demi-tour. Une fois au bord de la scène, elle releva le bas de son kimono pour sauter au sol, puis se dirigea vers la porte de sortie, acclamée par les applaudissements de tous les jeunes présents.

La maire de Tomoeda, toujours en colère, s’avança à son tour vers le pupitre et essayait tant bien que mal d’obtenir le silence. Elle avait demandé à Sakura de parler de la récente victoire du club d’athlétisme et de porter l’attention sur des valeurs telles que le dépassement de soi, la persévérance et le travail, et celle-ci n’avait pas du tout respecté les consignes.

A vrai dire, Sakura avait à l’origine préparé un discours en ce sens, et ce n’est qu’au dernier moment, en voyant des jeunes un peu tristes, qu’elle avait décidé d’improviser autre chose. Elle se sentait un peu comme sa mère Nadeshiko qui une trentaine d’années plus tôt, avait défié l’autorité de sa famille pour se marier et vivre avec Fujitaka.

Tomoyo continuait à lui parler dans son oreillette.

– Madame Yoshida est furax, elle est en train d’appeler le directeur du lycée, je crois qu’elle va essayer de te faire virer.

– Quoi ? Pour un discours ? Elle n’oserait quand même pas, je n’ai rien fait.

– Il faut croire que ce rien, c’est déjà trop pour elle.

– Il va falloir que je trouve un nouveau job alors…

– Tu penses à quoi ? Prof dans un autre lycée ? Coach sportif ? Sportive professionnelle ?

– Je ne sais pas, je n’y ai pas encore réfléchi, je n’avais pas l’intention de me faire virer.

– On en reparlera plus tard, je dois continuer à m’occuper de l’organisation de la cérémonie.

– OK, je te laisse, on se retrouve tout à l’heure au sanctuaire Tsukimine.

Visite au sanctuaire

Sur un pont qui passait au-dessus d’un petit cours d’eau, Sakura était là, toujours habillée de son kimono, regardant en dessous d’elle les carpes qui passaient là. Cela faisait une bonne heure qu’elle était au sanctuaire, et certains jeunes l’avaient déjà croisée et interpelée pour la féliciter du discours qu’elle avait tenu à la cérémonie d’ouverture du Seijin shiki. Heureusement pour elle, il n’y avait aucune trace de Madame la Maire à l’horizon.

– Sakura, dit quelqu’un derrière elle.

Elle se retourna, ses cheveux flottaient sous l’effet de la légère brise.

– Tu… tu es magnifique Sakura.

– Merci. Ca me fait très plaisir, surtout venant de toi, Toya, qui est plutôt avare de compliments.

– C’est vrai, mais…

– Je sais, je ressemble de plus en plus à Maman. Sauf la couleur de cheveux.

– Je me souviens, le jour de sa majorité, nous étions déjà venus dans ce temple. J’étais tout petit, 4 ou 5 ans. Elle portait ce kimono.

– Papa me l’a donné ce matin, il m’a dit que maman aurait voulu que je l’aie.

– Oui, c’est vrai, elle m’avait aussi dit que le jour où j’aurai une petite sœur, elle serait ravie de la voir porter son kimono.

– Dommage qu’elle ne soit pas là pour me voir.

– Maman est toujours là. Où qu’elle soit, elle veille sur nous. Elle est là pour toi, et sache que je suis là aussi pour toi Sakura.

– Merci Toya.

– Ce que je veux dire, c’est que j’ai l’impression que depuis ton retour, il se passe beaucoup de choses. Des choses que je ne comprends pas vraiment, mais qui n’ont rien de normal. La tempête du siècle lors de la croisière, la maison qui part en fumée, et ce…. truc bizarre à l’anniversaire d’Azusa. Et j’ai aussi la sensation que toi et Kaho, vous y êtes étrangement liées.

Sakura, toute gênée, ne savait quoi répondre. Elle n’allait tout de même pas lui révéler l’existence des cartes.

– Ne t’inquiète pas, je ne te demande pas d’explication. Je veux juste que tu saches, que quoi qu’il se passe, quoi que ça soit, tu peux compter sur moi.

Toya la serra dans ses bras pendant quelques secondes.

– Merci, se contenta-t-elle de répondre.

Ils furent interrompus par quelqu’un qui, tournant tout autour d’eux, était en train de les mitrailler avec son téléphone.

– Tomoyo, qu’est-ce que tu fais ? demanda Toya.

– Toya et ma petite Sakura, vous êtes tellement mignons tous les deux. Ca faisait longtemps que je ne vous avais pas vu si proche, il fallait que j’immortalise ce moment.

– Profites-en bien, Tomoyo, d’habitude Toya est plutôt du genre à me dire des méchancetés.

– C’est normal, elle le cherche.

– Idiot.

– Et voilà, c’est reparti, de vrais enfants.

Les trois amis reprirent la route en direction d’un petit temple.

– On va tirer des omikuji ? demanda Tomoyo.

– OK, on y va, répondit Sakura. La prédiction du début de l’année ne s’est pas encore réalisée, on va bien voir ce que j’aurai aujourd’hui.

– Que t’avait dit cette prédiction ?

– Qu’elle allait rencontrer l’amour ! répondit Tomoyo pleine d’entrain.

– Mais je te l’ai déjà dit, Tomoyo, je n’ai besoin de personne dans ma vie, j’ai déjà tout ce qu’il faut.

– Alors pourquoi veux-tu y retourner ? Sur quoi veux-tu une prédiction ?

– Tu le sais très bien, répondit Sakura d’un air gêné, les cartes de Clow en tête.

Arrivés devant le temple, une jeune femme les accueillit.

– Bonjour, messieurs-dames, vous venez chercher une prédiction ?

Pendant quelques secondes, Sakura se figea.

– Mais… continua-t-elle. Kaho, qu’est-ce que tu fais ici ?

– Je suis venu donner un coup de main à ma famille, ils n’étaient pas disponibles aujourd’hui pour accueillir les visiteurs.

– Ta famille travaille ici ?

– Oui, le temple appartient à mes parents. De temps en temps, je viens les aider.

– Eh bien… j’en apprends tous les jours. Tu ne m’avais jamais parlé de ça quand tu étais ma professeure à l’école.

– Effectivement, j’avais bien d’autres occupations à cette époque. J’ai beaucoup voyagé avant de m’installer ici avec ton frère. C’est pourquoi, quand mes parents m’ont proposé de m’occuper du sanctuaire avec eux, j’ai refusé. Quand je suis revenue, j’ai préféré poursuivre ma carrière d’enseignante à l’université de Tokyo. Plus tard, quand ils seront trop vieux, peut-être que je reprendrais le sanctuaire, mais pour le moment j’ai d’autres projets.

– Allez, vas-y Sakura, pressa Tomoyo, tire une nouvelle prédiction.

Une grande malédiction

Sakura s’avança alors vers le présentoir sur lequel étaient attachés les omikuji, et en prit au hasard. Elle ouvrit le papier et son visage se décomposa.

– Que se passe-t-il ? lui demanda son avis ? Mauvais présage ?

– Pire que ça, une grande malédiction…

– Mince, ma pauvre, tu ne vas finalement pas trouver l’amour tout de suite.

– Non, ça ne concerne pas l’amour. C’est à propos, d’une personne proche de moi.

Sakura semblait paniquée.

– Ne t’en fais pas, essaya de la réconforter Toya. Regarde, on est tous en bonne santé, il ne va rien nous arriver. En plus, tu n’as toujours pas trouvé l’amour, tu vois bien que les prédictions peuvent se tromper.

Malgré les mots rassurants de Toya, Sakura était toujours dans le même état de panique. Mais ce n’était pas forcément à cause de la prédiction. La sensation qu’elle avait depuis son arrivée au sanctuaire ne faisait que gagner en intensité. Comment ne l’avait-elle pas identifiée plus tôt ?

– Toya, va chercher Azusa et Papa s’il te plait. Ramène-les ici au plus vite.

– D’accord, j’y vais tout de suite, ils ne doivent pas être loin, ils sont aussi venus au sanctuaire.

Une fois Toya éloigné, Sakura se tourna vers Kaho.

– Tu l’as senti ? Une carte de Clow, elle est extrêmement puissante.

– A vrai dire, pas vraiment, répondit Kaho. En fait, je ressens bien quelque chose, mais je n’arrive pas vraiment à déterminer d’où vient cette force. Je pensais que c’étaient seulement les esprits du sanctuaire.

– Non, c’est une carte, j’en suis sûr. Et si tu ne sens pas d’où elle vient, c’est parce qu’elle est tout autour de nous. Elle nous englobe totalement.

– Tu crois que la carte veut s’en prendre à ton père et Azusa ? demanda Tomoyo.

– Je ne sais pas, mais je préfère avoir les gens que j’aime près de moi. Kaho, peux-tu contacter Kéro par télépathie comme tu l’as déjà fait ?

– Non, impossible, nous sommes trop éloignés.

– Pas besoin de télépathie, continua Tomoyo, je vais l’appeler.

– L’appeler ? Kéro a un téléphone ?

– Oui, enfin non, ce n’est pas vraiment un téléphone, mais je lui ai donné une mini oreillette comme la tienne, pour pouvoir l’appeler à tout moment.

Tomoyo sortit son téléphone, et appuya sur Kéro dans la liste des contacts. Après une brève discussion, elle s’adressa aux autres.

– Il est en chemin, il arrive.

– Elle sait que j’ai détecté sa présence, les informa Sakura. Sa force augmente progressivement.

– Tu es incroyable, Sakura, dire qu’il y a quelques mois tu n’étais pas capable de ressentir les cartes, et que c’est moi qui te donnais de conseils.

– Ca, c’est bien ma petite Sakura, tu es vraiment la meilleure. On peut dire que l’élève dépasse le…

Tomoyo n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle s’était volatilisée.

– To… Tomoyo ? Kaho, tu as vu ça ?

– Oui, c’est incompréhensible, Tomoyo était là, et elle a disparu le temps d’un clignement d’œil.

– C’est une carte qui a fait ça, j’en suis sûre, le présage ne mentait pas, elle fait disparaitre mes proches.

Sakura prenait tout ceci tellement à cœur, qu’elle ne voyait pas ce qui était en train de se passer.

– Sakura, quelque chose ne va pas. Tomoyo n’est pas la seule à avoir disparu. Regarde autour de nous, nous sommes presque les seules ici. On dirait que d’autres personnes se sont volatilisées.

Sakura tourna la tête pour regarder les alentours. Effectivement, comme Kaho l’avait dit, le sanctuaire semblait s’être soudainement vidé.

– Azusa, papa, Toya, il faut que je les retrouve, dit-elle en se mettant à courir.

– Non Sakura, attends ! Kéro va bientôt arriver.

Sakura n’écoutait pas Kaho, elle n’avait qu’une idée en tête, retrouver sa famille.

Heureusement, le parc n’était pas très grand. Après une centaine de mètres, Sakura trouva Azusa accompagnée de son oncle et son grand-père.

– Je les ai trouvés, dit Toya. Tout va bien ?

– Ouf, il ne vous est rien arrivé.

– Sakura, tu peux nous dire ce qu’il se passe ? lui demanda son père. On a vu des choses étranges, quasiment tout le monde a disparu.

– Oui, je sais, Tomoyo aussi. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mentit-elle, mais nous ferions mieux de…

Elle s’arrêta net quand elle vit avec effroi que son frère venait lui aussi de disparaitre sous leurs yeux.

– Maman, j’ai peur, pourquoi tonton Toya n’est plus là ?

Elle la prit dans ses bras, et se mit à courir en direction de la sortie en prenant son père par la main.

Elle courait de toute ses forces pour échapper à cette carte qui était en train d’effacer tous les visiteurs du sanctuaire. Elle était déjà loin quand elle sentit la main de son père disparaitre. Il n’était plus là. Elle ne savait pas quoi faire, elle ne savait pas où aller ni comment sortir de cette situation. Elle n’avait qu’une chose en tête, emmener sa fille loin d’ici pour la mettre à l’abri. Mais rien ne pouvait garantir que fuir la carte les mettrait hors de danger.

Disparitions à Tomoeda

Sakura était déjà partie depuis plusieurs minutes quand Kéro arriva dans le temple. Kaho lui fit un bilan de ce qui s’était passé. Comme Sakura, il avait bien ressenti la puissance de la carte.

– A part nous, il n’y a plus âme qui vive dans ce sanctuaire, remarqua Kéro.

– Et pourtant, nous sommes bien présents. Comment est-ce possible ?

– C’est simple, je suis le gardien du livre de Clow, je possède de grands pouvoirs magiques, c’est pour ça que la carte n’a pas d’emprise sur moi. Et toi aussi tu maitrises la magie.

– Donc Sakura, elle est toujours là ?

– Oui, probablement, elle est encore plus puissante que nous. Mais toutes les autres personnes dépourvues de magie ont bel et bien disparu. Tu arrives à ressentir sa présence ?

Concentrée, Kaho ne répondait. Son visage se marqua par la tristesse.

– Quelque chose ne va pas ?

– J’ai pu sentir Sakura, mais il vient de se passer quelque chose. Toya vient de disparaitre à l’instant.

– Ne t’inquiète pas, dès que Sakura aura capturé la carte, tout rentrera dans l’ordre. Il faut la retrouver et lui dire de quelle carte il s’agit, il n’y a que comme ça qu’elle peut la combattre.

– Tu sais quelle carte c’est ?

– Evidemment, c’est Erase, elle efface les objets et les personnes. Viens, suis-moi, allons à sa rencontre.

Kéro volait en direction de Sakura dont il avait détecté la présence, suivie de près par Kaho.

– Qui d’autre sens-tu, Kéro ? Je ne peux pas courir et me concentrer sur leurs esprits en même temps.

– Malheureusement, le père de Sakura vient lui aussi de disparaitre. Il ne reste que Sakura et Azusa. Elle ne nous facilite pas la tâche à courir comme ça dans la direction opposée.

– Toya, Fujitaka, pourquoi ont-ils disparu après les autres ? Et Azusa, pourquoi est-elle toujours là ?

– Hmmm, je ne sais pas trop. Sakura possède un grand pouvoir magique, peut-être est-ce aussi le cas pour sa famille proche.

– C’est vrai, Toya m’a déjà dit qu’il ressentait choses. Quand il était petit, il voyait souvent sa mère décédée des années plus tôt. Mais Azusa ? Elle est si jeune.

– Oui, mais c’est la fille de Sakura, et c’est elle qui a ouvert le livre de Clow.

– Quoi ? Je ne savais pas ? Ca voudrait dire que c’est Azusa la réelle maitresse des cartes ?

– Non, c’est bien Sakura, c’est elle qui a fait les captures jusqu’à maintenant. Elle a un pouvoir qui dépasse largement celui des autres.

Kaho ne répondait pas. Toujours en volant, il se retourna pour constater qu’elle avait disparu à son tour. Désormais seul, il accéléra le rythme pour retrouver Sakura plus rapidement.

Il l’aperçut finalement au loin, tenant toujours Azusa dans ses bras.

– Sakura !

Sakura se retourna, voyant Kéro arriver vers elle à toute vitesse.

– Kéro ! Aide-moi, tout le monde est en train de disparaitre.

– Tu dois capturer la carte, Sakura. Il s’agit de…

Kéro n’eut pas le temps de finir sa phrase, il disparut à son tour.

Au bord du désespoir, Sakura tomba à genoux.

– Maman, qu’est-ce qu’il se passe ? lui demanda Azusa toujours dans ses bras.

Elle desserra son étreinte et la posa au sol.

– Je ne sais pas, mais je vais te protéger.

– Pourquoi ton ours en peluche parle ? Je l’ai déjà vu bouger à la maison, mais je ne t’ai rien dit.

Voyant qu’Azusa en savait plus que ce qu’elle ne pensait, elle prit ses mains dans les siennes et commença à lui expliquer qui était Kéro, ainsi que sa mission de chasseuse de carte. Très réceptive, Azusa était finalement amusée de voir que sa mère était une sorte de magical girl.

– Tu vas y arriver, Maman, tu es la meilleure.

Voir son visage souriant réconfortait Sakura.

Malheureusement, c’était de courte durée. Azusa était en train de disparaitre elle aussi. Pas d’un coup comme ça avait été le cas pour tous les autres, mais progressivement. Son corps était en train, peu à peu, de devenir transparent. Des particules brillantes, telles des étoiles, émanaient d’elle et s’envolaient vers le ciel. Sakura ne sentait désormais plus la chaleur de ses mains qu’elle tenait encore quelques secondes plus tôt.

Azusa avait, à son tour, complètement disparu.

Nadeshiko, à l’aide de Sakura

Sakura semblait être la seule personne encore présente à Tomoeda. Toutes les autres, même Kéro et Kaho avaient disparu. Evidemment, c’était l’œuvre d’une carte de Clow, Sakura l’avait sentie, mais elle n’arrivait pas à la capturer. Ca devait être une de ces cartes dont lui avait déjà parlé Kéro. Une carte qui ne se révèle que lorsqu’on sait de laquelle il s’agit. Mais elle n’avait pas assez de connaissances pour savoir laquelle, et personne n’était en mesure de l’aider.

Perdue, ne sachant quoi faire, elle errait dans les rues désertes de la ville. Sans s’en être vraiment rendu compte, ses pérégrinations l’avaient amenée jusqu’à l’emplacement de l’ancienne maison familiale. Elle n’y était pas retournée depuis que Firey l’avait emportée dans ses flammes. Il n’en restait désormais aucune trace, tous les débris avaient été enlevés, et les quelques murs qui n’avaient pas été détruits lors de l’incendie avaient été par la suite démolis. C’était un choc de voir qu’il n’y avait plus rien.

Mais, au milieu de l’obscurité, une lumière attira son attention. Sous une grande planche posée au sol, semblaient s’échapper des rayons de lumière. Elle s’avança et la poussa de toutes ses forces en la faisant glisser sur le sol. Comme elle l’avait pensé, c’était l’entrée de la bibliothèque, qui avait probablement été recouverte pour éviter que quelqu’un ne tombe dedans.

– Il y a quelqu’un ? demanda-t-elle timidement.

Personne ne répondit. Sakura aurait pu descendre pour voir d’où venait cette lumière, mais sa peur des fantômes et des phénomènes paranormaux prit le dessus. Elle préférait rester éloignée et fit demi-tour.

Alors qu’elle allait franchir l’endroit où se tenait avant la porte d’entrée, elle entendit une voix l’appeler.

– Sakura…

En temps normal, elle serait partie en courant. Mais la voix était douce et la mettait en confiance. Elle se retourna.

– Maman…

Nadeshiko se tenait debout devant elle. Evidemment, ce n’était pas réellement sa mère, elle était morte depuis presque 25 ans. Mais elle la voyait, telle qu’elle était sur les photos. Néanmoins, elle ne semblait pas avoir de consistance physique, c’était une sorte de spectre, mi-translucide, mi-luminescent. Sakura s’approcha, tendant la main vers elle, pour voir si elle pouvait la toucher. Nadeshiko tendit sa main à son tour, et prit celle de sa fille. Cette sensation semblait bien réelle, en tout cas elle reproduisait bien la réalité. Elle prit alors Sakura dans ses bras, qui pouvait désormais sentir la chaleur de sa mère.

– Maman… répéta Sakura, des larmes coulaient sur ses joues.

– Bonjour, Sakura, comment vas-tu ?

– Mais, comment est-ce possible ? Tu es morte quand j’avais 3 ans.

– C’est vrai, mais pendant tout ce temps, je suis resté ici, à veiller sur vous.

– Pourtant, tu sembles si réelle, j’arrive à te toucher.

– Qui a décrété qu’un fantôme, que l’esprit d’une personne disparue, était forcément immatériel ? Tu arrives à me toucher, pourtant pendant longtemps tu ne me voyais pas. En revanche, j’ai souvent rendu visite à ton frère Toya quand il habitait encore ici, et lui ne pouvait pas me toucher. Il n’y a pas de logique à la mort. Mais tu n’as pas répondu à ma question. Comment vas-tu, Sakura ? Comment se passe ta nouvelle vie ?

– Eh bien, après que notre maison ait été réduite en cendres, j’ai déménagé dans une autre maison, avec ma fille. Tu savais que j’avais une fille ?

– Oui, Azusa, j’ai discuté quelques fois avec elle.

– Quoi ? demanda Sakura avec étonnement. Elle ne m’a jamais rien dit.

– Tu comprendras que les expériences vécues avec les personnes décédées sont des choses qu’on garde pour soi. Quelque chose qu’on chérit. Qu’on ne partage pas avec les autres, de peur de les attrister.

– Azusa… elle… elle a disparu…

– Comme toutes les personnes de cette ville, c’est bien ça ? Tu dois capturer cette carte Sakura, et faire revenir tout le monde.

– Comment connais-tu l’existence des cartes ?

Pour toute réponse, Nadeshiko lui fit un grand sourire.

– Evidemment, tu vois tout, tu m’as probablement déjà vue en train de capturer des cartes, ou même discuter avec Kéro. Mais cette carte, elle est trop forte, je ne sais pas comment faire.

– Tu dois prendre de la hauteur, Sakura, répondit Nadeshiko en levant un doigt vers le ciel.

Sakura prend de la hauteur

Sakura ne savait pas où sa mère voulait en venir, mais elle avait compris ce qu’elle avait en tête. Elle sortit la carte du vol.

– Carte créée par Clow, confère-moi tes pouvoirs, moi Sakura, je te l’ordonne.

La carte, qui était désormais une carte de Sakura, explosa en une poussière d’étoiles, puis forma deux ailes dans le dos de Sakura, qui prit alors son envol. Elle monta très haut dans le ciel, jusqu’à ce qu’elle puisse voir ce qui était en train de se passer.

Une sphère recouvrait Tomoeda et s’élargissait petit à petit. Lors de sa progression, dès qu’elle rencontrait un être vivant, celui-ci était changé en étoile qui montait vers le ciel. Le spectacle qui se déroulait sous ses yeux était à la fois terrifiant et majestueux. Des milliers d’étoiles filantes qui, plutôt que se diriger vers la terre, montaient vers les cieux.

Il fallait arrêter ça au plus vite.

Sakura regardait les cartes qu’elle avait à sa disposition.

– Carte créée par Clow, confère-moi tes pouvoirs, moi Sakura, je te l’ordonne, dit-elle en lançant Shield face à elle.

Un bouclier protecteur se forma alors tout autour de la sphère pour l’empêcher de progresser davantage.

– Je… je n’y arrive pas, c’est trop dur.

En effet, Sakura peinait à contenir la sphère à l’intérieur de Shield.

Mais elle l’avait déjà fait. Elle devait le refaire. Lorsqu’elle avait combattu Firey, elle avait pu convertir des cartes de Clow en cartes de Sakura, afin d’y insuffler sa propre magie et les faires gagner en puissance. Si elle pouvait faire pareil avec Shield, peut-être parviendrait-elle à contenir la sphère qui emportait les âmes sur son passage.

– Carte magique créée par Clow Read, abandonne ton ancienne apparence et transforme-toi ! C’est Sakura, ton nouveau maitre, qui te l’ordonne !

Le bouclier se mit à briller, les craquelures qui s’étaient formées commençaient à se résorber, il semblait plus solide que jamais. Elle venait de gagner du temps en trouvant le moyen de bloquer la progression de la carte qu’elle combattait. Elle volait au-dessus du bouclier pour observer les dégâts. Il n’y avait plus aucun être vivant dans toute la zone recouverte par la sphère magique, ce qui incluait la totalité de Tomoeda, mais aussi quelques parcelles de villages aux alentours.

Perdue, elle retourna voir sa mère.

– Je ne sais pas quoi faire, cette carte, elle a tout effacé sur son passage. Il ne reste que les habitations, les êtres humains ont disparu.

– Tu dois trouver de quelle carte il s’agit, et ensuite, tu pourras la capturer.

– Je sais tout ça, Kéro m’en a déjà parlé, mais je ne connais pas toutes les cartes.

– Mais voyons Sakura, c’est simple, tu viens de le dire, qu’a fait cette carte ?

– Elle a tout effacé sur son passage.

– Oui, c’est ça.

– Erase ? se demanda Sakura à haute voix.

A son nom, la sphère scintilla, puis disparut pour réapparaitre devant Sakura sous la forme d’une fillette, juste à côté de Nadeshiko. Elle lui ressemblait beaucoup, et avait aussi cette apparence luminescente. En revanche, elle n’avait pas de visage, comme si sa bouche, son nez et ses yeux avaient été effacés.

– Tu m’en auras joué des tours, il est temps d’en finir. Carte de Clow, reprend ta forme originelle, je te l’ordonne !

Erase reprit alors sa forme de carte et vint se placer dans la main de Sakura. Un murmure se fit alors entendre : « Ca ne sera pas suffisant ».

Sakura regarda tout autour d’elle, rien n’avait changé. Les personnes qui avaient été effacées, n’étaient toujours pas réapparues, et les étoiles étaient encore en train de monter dans le ciel. Elle retourna dans les airs pour avoir une meilleure vue d’ensemble, mais constata à nouveau l’absence totale de vie dans Tomoeda et ses alentours.

Sa mère qui l’avait rejoint s’adressa à elle.

– On dirait que ce n’est pas ce que tu espérais.

– Les habitants de la ville, ils sont toujours introuvables, la capture de la carte n’a pas annulé ses précédentes actions.

– Tu as agi précipitamment Sakura. Erase aurait pu faire revenir tout le monde, mais tu as préféré la capturer directement, sans lui laisser la chance de s’expliquer ou t’aider. Cette carte est désormais à toi, c’est à toi de faire revenir tout le monde.

– Mais c’est impossible, je ne sais pas comment faire ça, répondit-elle les yeux écarquillés.

– Tu es la chasseuse de cartes. Non, tu es même plus que ça, tu es la maitresse des cartes. Rien n’est impossible pour toi. En y apportant ta propre magie, tes cartes peuvent accomplir des miracles.

Sakura regardait Erase qu’elle venait de capturer.

– Ensemble, nous allons rétablir le cours des choses. Carte magique créée par Clow Read, abandonne ton ancienne apparence et transforme-toi ! C’est Sakura, ton nouveau maitre, qui te l’ordonne !

La carte changea d’apparence pour se transformer en carte de Sakura.

– Undo ! cria Sakura en levant son sceptre haut dans les airs.

Les étoiles cessèrent alors leur ascension. Immobiles, leur intensité variait, tantôt lumineuses, tantôt éteintes, comme un rythme cardiaque représentant la vie des milliers de personnes, suspendus au bout du sceptre de Sakura.

– Undo !! insista-t-elle.

Rien ne se passait, son pouvoir n’était pas suffisant pour faire revenir ces personnes disparues. Nadeshiko s’approcha d’elle, et posa à son tour ses mains sur le sceptre.

– Undo !!! crièrent Sakura et sa mère à l’unisson.

Un halo de lumière s’échappa du sceptre, illuminant le ciel de Tomoeda. Puis d’un coup, les étoiles jusqu’alors en suspension se dirigèrent vers la terre telle une pluie d’étoiles filante.

Un mystérieux duo

A l’autre bout de la ville, deux personnes qui n’avaient pas été effacées par Erase étaient en train de discuter. Capuche sur la tête, il était impossible de distinguer leur visage, malgré la lumière intermittente des étoiles qui retombaient sur terre. L’une d’elles, la plus grande, était un homme, et l’autre était une jeune femme.

– C’est un échec, dit la fille. Je t’avais prévenue, tu n’aurais pas dû la sous-estimer, elle est bien plus puissante que tu ne le penses.

– Hmmm, elle va me donner du fil à retordre. Non seulement elle capture les cartes, mais elle les transforme, et les fait siennes.

– Sans compter que certaines se rallient d’elles-mêmes à sa cause. Shield t’a déjà fait perdre un temps précieux.

– C’est inévitable, c’est la future maitresse des cartes. Mais je ne m’avoue pas vaincu, elle a atteint ses limites. Regarde.

Au loin, sous le coup de l’épuisement, les ailes de Sakura venaient de disparaitre. Elle avait donné tout ce qu’elle avait, et les quelques forces qui lui restaient n’étaient plus suffisantes pour lui permettre de continuer à utiliser ses cartes. Sans ses ailes, elle commença à chuter en direction du sol, mais Nadeshiko la rattrapa juste à temps.

– Elle est tout de même surprenante, elle a réussi à amortir sa chute et se poser sans dégât, ajouta l’homme qui ne semblait pas voir Nadeshiko.

La jeune fille à côté de lui se contenta de sourire.

Un renfort tant attendu

Au même moment à Hong Kong. Quatre jeunes femmes, au physique à peu près identique, étaient en train de prendre le thé avec une femme plus âgée, qui était probablement leur mère.

Cette dernière semblait troublée par un message qu’elle venait de lire sur son téléphone.

– Mère, que se passe-t-il ? lui demanda une des filles.

– L’heure est venue, allez chercher Shaloan.

Tout se passera bien

A Tomoeda, Sakura était dans les bras de Nadeshiko depuis une quinzaine de minutes, toujours inconsciente. Quelqu’un approchait d’eux en courant.

– Sakura, que s’est-il… Maman ?

– Prends bien soin de ta petite sœur, Toya.

A quelques mètres d’elles, il était figé. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait sa mère, mais ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé. Et surtout, c’était la première fois qu’il la voyait interagir avec quelqu’un d’autre.

– Tout se passera bien, ajouta-t-elle en embrassant Sakura sur le front avant de disparaitre.


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