Découpage du chapitre
Bilan de la semaine
Cela faisait maintenant une semaine que Sakura était revenue à Tomoeda. Après sept ans d’absence, elle avait quitté Paris pour retourner dans sa ville natale, et profitait à nouveau de ses amis et sa famille.
Les premiers jours n’avaient pas été de tout repos. Elle avait fait la connaissance de Kéro, le gardien du livre de Clow, qui avait fait d’elle la nouvelle chasseuse de carte. Sa mission était désormais de retrouver les 19 cartes de Clow pour éviter qu’un fléau ne s’abatte sur le monde. Bonne nouvelle, il n’en restait plus que 18 à capturer. Kaho Mizuki, la compagne de son grand frère Toya, lui avait fait cadeau de la carte du vol. Comment avait-elle eu cette carte ? Comment était-elle au courant de la mission de Sakura ? Tout ceci était un grand mystère. Elle lui avait simplement assuré que tout irait bien et qu’elle serait toujours à ses côtés pour l’aider. Quand elle en avait parlé à Kéro, il s’était contenté de répondre « Grrr, tu as raison Sakura, il y a quelque chose de louche, mais laisse-moi cinq minutes avec elle et je la ferais parler, elle finira par me dire tout ce qu’elle sait ». Bref, il n’en savait rien, et s’il était aussi efficace aux interrogatoires qu’il l’avait été pour garder les cartes, le mystère n’était pas près d’être résolu.
En revanche, son nouveau travail de professeure de sport au lycée Tomoeda s’était plutôt bien passé. Ses élèves étaient tous très gentils avec elle, c’était probablement dû à la faible différence d’âge entre eux, qui créait une plus forte proximité. Elle en soupçonnait quelques-uns d’avoir des vues sur elle. Elle n’envisageait rien de tel, mais reconnaissait que c’était une habitude dans la famille. Sa mère, morte quand elle n’avait que trois ans, avait d’abord été l’élève de Fujitaka avant qu’ils ne se marient. Son frère Toya était maintenant en couple avec son ancienne professeure de mathématique, Kaho Mizuki.
Ses occupations après l’école étaient néanmoins un peu plus mouvementées. Avec l’aide de Kéro, elle s’était entrainée à utiliser Fly, la carte du vol. « Ne t’inquiète pas, c’est facile, c’est comme le roller », lui avait-il dit. Très marrant, de la part d’une peluche qui ne peut même pas chausser une paire de rollers, et qui peut naturellement voler grâce aux ailes qu’il a dans le dos. Sakura s’était imaginée le mettre dans un de ses rollers et le lancer sur la route pour voir s’il faisait toujours le malin. Plusieurs soirs de suite, elle était revenue à la maison avec des bleus et des écorchures. Son père, s’inquiétant de ses blessures, lui avait même dit « Tu sais Sakura, si ce travail est trop dangereux pour toi, il est encore temps de changer de voie ». Bien évidemment, il était loin de s’imaginer de la double vie de sa fille, qui avait pour mission de sauver le monde.
A la fin de la semaine, Sakura avait enfin réussi à maitriser le vol. Il y avait cependant eu une petite déconvenue sur la manière de voler. Sakura s’attendait à avoir des ailes dans le dos, comme celles de Kéro, mais à la place les ailes avaient poussé sur son bâton. Quand elle lui avait demandé s’il fallait qu’elle monte dessus comme Harry Potter sur son balai, il avait à son tour demandé qui était Harry Potter. Après moult discussions, il n’y avait visiblement pas d’autre alternative, pas pour le moment en tout cas. Même s’il était évident que Clow Read en son temps ne chevauchait pas un sceptre de magical girl pour voler, Kéro lui avait dit que son manque de pouvoir ne lui permettait pas encore de faire autrement.
Du côté d’Azusa, tout allait pour le mieux. Elle était ravie de voir et d’habiter avec son grand-père qui s’occupait très bien d’elle. Il faisait la cuisine et elle adorait manger ce qu’il préparait, comme Sakura d’ailleurs. Elle aussi avait fait sa rentrée il y a quelques jours. N’ayant que 5 ans, elle n’était encore qu’à l’école maternelle. Elle avait déjà dit à tous ses amis que sa maman était professeure de sport au lycée, que c’était la meilleure et la plus belle. Heureusement qu’elle ne savait pas pour les cartes, ses amies l’auraient prise pour une menteuse.
Direction Tokyo
Mais aujourd’hui, pas d’école, pas d’Azusa, pas de cartes de Clow, elle partait pour une sortie entre filles à Tokyo, pendant Fujitaka s’occuperait du babysitting. Tomoyo passait la chercher à 9h chez elle, puis elles allaient à pied jusqu’à la gare pour prendre le train qui partait à 9h25. Tomoeda était proche de Tokyo, le trajet ne durerait qu’une trentaine de minutes.
Alors que Sakura finissait de se préparer, elle entendit sa fille crier :
– Maaaamaaaan, Tomoyo est arrivée.
– J’arrive toute de suite.
Elle attrapa son sac à dos dans sa chambre avant de descendre les escaliers. Tomoyo était toujours très ponctuelle, voire même un peu en avance, il était 8h59.
– Waah Sakura, tu es trop craquante dans ta petite robe bleue. Notre première sortie entre filles depuis ton retour, il faut immortaliser ce moment, dit-elle en fouillant dans son sac. Oh mince, j’ai oublié ma caméra… Mais heureusement, j’ai mon nouveau téléphone ! Le nouveau modèle dernier cri de la Daidouji Company, le sPhone. S comme Sakura évidemment. La photo se déclenche en 1/25ème de seconde, pour une réactivité absolue, qualité photo 20Mpx, prise en rafale, autofocus et mode focus manuel, qualité impeccable de jour comme de nuit. Côté vidéo, qualité HD, 4K et même 8K sur ce modèle haut de gamme, spécialement conçu pour filmer ma meilleure amie, jusqu’à 60 images par seconde, stabilisateur optique, mode ralenti ou accéléré, zoom optique x4 et zoom numérique x10. Des filtres intégrés pour améliorer la qualité de l’image, possibilité d’effacer les imperfections de la peau, mais ça sera inutile pour toi ma petite Sakura puisque tu as une peau parfaite. Et le MUST, c’est l’upload en live sur mon cloud privé, hébergé sur les serveurs de l’entreprise, les vidéos sont taguées, archivées, répertoriées, et un algorithme d’intelligence artificielle s’occupe de créer des compilations des meilleurs moments. Tout ça avec une connexion directe et ultra haut débit jusqu’à ma salle de cinéma privée.
– Tomoyo, tu me fais vraiment peur par moment, répondit Sakura.
Azusa, qui n’avait pas compris la moitié de ce que venait de débiter la meilleure amie de sa mère, se contenta de répéter ce que Sakura venait de dire :
– Tomoyo, tu me fais vraiment peur par moment.
Tous éclatèrent de rire.
Malgré leur discussion, les deux amies arrivèrent à l’heure à la gare pour prendre leur train, qui était bientôt arrivé à destination, à la gare de Tokyo.
– Alors, qu’est-ce qu’on fait ? demanda Sakura à son amie. Tu as prévu un truc particulier ?
– On va aller faire du shopping à Shibuya, je vais te faire essayer plein de vêtements et te prendre en photo. Tu verras, on va bien s’amuser, j’ai tout prévu.
– Tomoyo… Je ne suis pas ta poupée… Mais ça me fait trop plaisir, j’ai l’impression d’être revenue au lycée, quand on sortait à Tokyo le week-end avec nos amies. Déjà à cette époque tu me faisais essayer des tenues improbables. C’est comme si nous avions rajeuni de cinq ans.
– Sept ans Sakura. Même si aujourd’hui nous sommes à nouveau au lycée, la terminale c’était il y a sept ans.
Le train venant d’arriver, elles continuèrent de discuter tout en se levant.
– Tu te souviens comment aller à Shibuya, Sakura ?
– Evidemment, c’est comme le roller, ça ne s’oublie pas.
Arrivée devant le métro qui allait les conduire à destination, Tomoyo demanda à son amie :
– Dis-moi Sakura, c’est vrai ce qu’on raconte à propos des métros à Paris ?
– De quoi tu parles exactement ?
– Il parait que c’est sale, que les gens sont malpolis et fraudent pour passer sans payer, que les trains sont souvent en retard, et que certaines stations sont un vrai labyrinthe.
– Malheureusement, tout est vrai, répondit-elle sur un ton dépité. Tu vois, le métro vient d’arriver à quai. On se met dans la file, on attend que les gens sortent, puis on rentre. Si l’alarme sonne, on arrête d’entrer et on attend le prochain. A Paris, ce n’est pas du tout ça.
Tomoyo regardait Sakura en écarquillant les yeux.
– A paris, les gens se mettent un peu tout le long du quai, y compris à l’emplacement de la porte. Quand le train arrive, ils s’écartent un peu, ce qui laisse tout juste la place à une personne pour sortir. Certains montent même avant que tout le monde ne soit sorti. Le pire, c’est quand l’alarme commence à sonner pour indiquer que les portes se ferment bientôt. Là, il n’y a plus aucune pitié pour les gens qui descendent. Ceux qui montent forcent, tant pis si les autres ne peuvent pas descendre. J’ai déjà loupé une sortie à cause de ça. Je voulais descendre, mais tout le monde montait, je me sentais comme un saumon qui essayait de remonter le cours d’une rivière.
Tomoyo pouffa de rire en imaginant son amie déguisée en saumon, essayant de sortir du train.
– Et au final, continua Sakura, les voyageurs mettent deux ou trois fois plus de temps à descendre, les trains prennent plus de temps, et sont souvent retardés. Et c’est normal pour tout le monde.
– Mais dans ce cas, comment font les gens pour arriver à l’heure au travail ?
– Ils arrivent en retard tout simplement.
Devant tant d’évidence, Tomoyo ne sut quoi répondre.
Sakura continua ensuite sur la propreté des transports, les stations mal agencées, les fraudes, etc… Tout ce qui n’était jusqu’à maintenant que des on-dit pour Tomoyo, se révélait être la stricte vérité. Pour ne pas laisser son amie sur une mauvaise image, Sakura conclut par un « mais sinon c’était bien Paris », sans être sûre que ça suffise à la convaincre.
Surprise à Shibuya
Leur métro était arrivé à la station Shibuya.
– Alors, on va où ? demanda Sakura. Shibuya 109 [1]?
– Oui si tu veux, mais on va d’abord faire quelques photos devant Hachiko[2].
– OK, ça va me rappeler de bons souvenirs, quand on s’y donnait rendez-vous avec les copines.
– Oui, moi aussi, c’est pour ça que j’ai envie de passer devant.
Arrivées devant Hachiko, elles virent trois filles en train de faire de grands signes avec leurs mains.
– Mais, c’est Rika, et Chiharu, et Naoko… Regarde Tomoyo, c’est incroyable de les trouver ici.
– Oh oui, tu as raison Sakura, c’est in-cro-yable, répondit Tomoyo en riant. Un sacré hasard !
– C’est toi qui leur as dit de venir, c’est ça ?
– Surprise !
Toutes les trois coururent vers Sakura pour lui souhaiter un bon retour au Japon. Juste à côté, Tomoyo avait sorti son téléphone pour filmer toute la scène. Entre tous les cris, les accolades, les effusions de joie, Sakura dit un petit « Merci », toute gênée par la situation.
Un garçon qui était resté près d’Hachiko s’approcha d’elles.
– Oh, même Yamazaki est venu.
– Salut Sakura, répondit-il, content de te revoir.
– Je lui avais pourtant dit que c’était un après-midi entre filles, continua Chiharu, mais il a insisté pour venir.
– Pas d’inquiétude, les filles, je vous laisserai faire du shopping entre vous, je voulais juste dire bonjour à Sakura, depuis le temps qu’on ne s’est pas vu.
– La dernière fois, c’était quelques semaines avant que je ne parte, à ce même endroit, notre point de rendez-vous habituel.
– Celui de beaucoup de monde, répondit Takashi. D’ailleurs, connais-tu l’histoire de Hachiko ?
– Oui Yamazaki, répondit-elle, tout le monde connait l’histoire d’Hachiko. Hachiko attendait tous les jours son maitre à la gare de Shibuya quand celui-ci partait travailler. Un jour, il n’est jamais revenu car il est mort dans la journée. Hachiko l’a attendu pendant dix ans avant de mourir à son tour. Une statue a été érigée en son honneur.
– Ah mais non Sakura, ce n’est pas du tout ça. C’est l’histoire que tout le monde connait et qu’on veut nous faire croire, mais la réalité est bien différente. Hachiko était un chien policier, et avec son maitre, ils traquaient un puissant serial killer qui sévissait dans le quartier de Shibuya. La cause de la mort était à chaque fois inconnue, elle aurait même pu passer pour une mort naturelle, mais c’est justement ce qui leur a permis de faire le lien et d’en déduire qu’ils avaient à faire à un serial killer. Le tueur avait déjà fait une douzaine de victimes, mais en cette soirée pluvieuse, Hachiko et son maitre sentaient qu’ils se rapprochaient du but. Vous savez d’où vient l’expression « regard de tueur » ? Et bien ça vient justement de là. Ce serial killer tuait ses victimes rien qu’en les regardant. Malheureusement, le maitre d’Hachiko perdit la vie alors qu’il s’apprêtait à le capturer. Au moment où il eut croisé son regard, il tomba à terre, mort comme toutes les autres victimes. Hachiko, alors qu’il s’approchait de son maitre pour le pleurer, croisa à son tour le regard du tueur, mais pas directement, il le vit à travers une flaque d’eau. Au lieu de mourir, il se transforma en statue de pierre. C’est grâce à cet ultime sacrifice que les autres enquêteurs comprirent que tant qu’ils ne regardaient pas le tueur dans les yeux, ils ne leur arriveraient rien. Depuis ce jour, Hachiko veille sur Shibuya, lieu de sa dernière enquête.
– Mais c’est horrible, pauvre Hachiko, répondit Sakura. Un tueur qui élimine ses victimes de cette manière c’est effrayant.
– Mais non, intervint Chiharu en frappant Yamazaki, il te raconte n’importe quoi, c’est l’histoire du basilic dans Harry Potter.
– Ah mais tu as raison ! C’est pour ça que cette histoire me disait quelque chose. Tu fais toujours preuve d’une grande imagination Yamazaki, tu arrives toujours à me faire croire n’importe quoi.
– Non ce n’est pas l’histoire d’Harry Potter, ça s’est vraiment passé comme ça, et c’est justement J. K. Rowling qui s’est inspirée de l’histoire d’Hachiko pour écrire la chambre des secrets. D’ailleurs, à l’origine, elle avait même prévu d’appeler son héros Hachiko Potter.
– Mais tu vas te taire ! hurla Chiharu en lui passant les mains devant la bouche pour l’empêcher de parler davantage.
Les discussions continuèrent à la table d’un restaurant de ramens. Puis, après s’être remémoré le bon vieux temps, les cinq amies partirent en direction de Shibuya 109. Comme promis, Takashi les laissa entre elles, mais pas avant de leur avoir raconté la « vraie histoire de ce centre commercial légendaire ».
Tomoyo s’en donnait à cœur joie, elle filmait tout le monde lors des essayages. Et quand elle ne filmait pas, elle donnait des conseils à Sakura « regarde ce chapeau avec les fleurs de cerisier, il irait bien avec cette petite robe rose, et ce rouge à lèvres t’irait super bien ».
Alors que Rika essayait des vêtements, Naoko la prenait en photo. Une, deux, … six tenues différentes.
– Tu peux m’envoyer les photos s’il te plait ?
– Oui bien sûr. Tu vas les envoyer à Terada ?
– Oui, je n’arrive pas à me décider, il va m’aider à choisir.
– Monsieur Terada ? demanda Sakura. Notre ancien professeur à l’école primaire ?
– Oui, répondit Rika, d’ailleurs il m’a raconté ta première journée, ton aventure avec le ballon de foot, heureusement tu t’en es remise.
– Mais pourquoi tu lui demandes de t’aider à choisir ? Et pourquoi il t’a dit qu’il m’avait vu ?
Se rendant compte que Sakura n’avait toujours pas compris, Rika devint toute rouge.
– Rika et monsieur Terada sont ensemble, intervint Naoko pour venir à l’aide de son amie qui était toute gênée.
– Ensemble en collocation ?
– Non, ensemble en couple, continua Naoko.
– Mais… mais… mais je ne savais pas.
– Ce n’est pas nouveau pourtant. Tu n’avais jamais rien remarqué ? demanda Chiharu.
– Non, pas du tout. Mais vous, vous le saviez ?
– Ahlalala, c’est ça qui fait le charme de ma petite Sakura, toute innocente, naïve, qui ne voit jamais ce qui est pourtant sous ses yeux, mais c’est pour ça qu’on l’aime.
– Je suis amoureuse de lui depuis l’école primaire Sakura. On se voyait souvent en cachette, mais notre lien était très fort. Au lycée, nous sortions déjà ensemble, sans nous cacher, mais sans l’exposer non plus. Et finalement, nous nous sommes mariés après que j’aie fini le lycée, quand tu es partie pour l’Europe.
– Et bien félicitations ! Il y a d’autres choses dont je ne suis pas au courant ?
– Takashi et moi sommes ensemble, lui répondit Chiharu, mais ça tu le savais ?
– Oui c’est bon, je le savais !
– Alors ça doit être un peu près tout. En tout cas, c’est toi la première de notre groupe à être maman dommage qu’Azusa ne soit pas là.
– Vous la verrez un autre jour. Pour un après-midi shopping, c’était mieux qu’elle reste avec son grand-père.
– Oui, et d’ailleurs, on n’a pas fini ! conclut Tomoyo en se dirigeant vers une autre boutique.
Après avoir parcouru les dix étages du centre commercial, les filles repartirent les bras remplis de sacs. Sakura avait été raisonnable. En plus du chapeau avec les fleurs de cerisier, de la petite robe rose et du rouge à lèvres que Tomoyo aimait tant, elle avait pris un nouveau sac à dos pour remplacer le sien qui commençait à vieillir. C’est là qu’elle eut la surprise de voir que dans l’ancien, un passager clandestin s’était incrusté. Kéro avait sauté dans le sac de Sakura quand ils étaient encore à la maison, sans qu’elle s’en aperçoive.
La journée touchait à sa fin. Alors que le soleil se couchait, les filles reprenaient le métro pour rentrer chez elles. Sakura et Tomoyo étaient les seules à encore habiter à Tomoeda.
Après leur mariage, Rika et Monsieur Terada avaient déménagé à Tokyo, il avait malgré tout décidé de garder son poste à Tomoeda. Quant à Rika, elle avait fini il y a peu des études de psychologie. Vivre un amour caché et impossible l’avait renforcée et elle avait souhaité aider ceux en difficulté.
Chiharu et Naoko étaient voisines, elles habitaient à la périphérie de Tokyo, mais dans la direction opposée à Tomoeda.
Naoko était bibliothécaire, et en parallèle elle écrivait son premier roman qu’elle espérait bientôt publier. Il faut dire qu’elle avait toujours eu beaucoup d’imagination et une vraie passion pour les livres et les histoires. Surtout celles qui font peur.
Chiharu était une entrepreneuse dans l’âme. Elle avait commencé comme fleuriste, à son compte. Une fois que ça fonctionna bien et qu’elle eut suffisamment d’employés pour que la boutique tourne sans elle, elle ouvrit un magasin de peluche. Récemment, elle avait refait pareil, pour se spécialiser désormais dans l’électronique. Son fournisseur principal était la Daidouji Company, qui lui fournissait des exclusivités lors de la sortie de nouveaux produits. Avec sa gentillesse et sa sympathie, elle arrivait à attirer de nouveaux clients et à les fidéliser, quel que soit le type de commerce qu’elle lançait.
Les étoiles dans le ciel de Tokyo
Après s’être toutes dit au revoir, Tomoyo proposa une dernière balade à Sakura, dans le parc Yoyogi qui n’était pas très loin de Shibuya. Paris ne manquait pas de parcs, mais c’était incomparable avec ceux qu’on pouvait trouver dans Tokyo, qui avaient en plus un cachet culturel et historique important. Des groupes de personnes étaient encore installés dans l’herbe, d’autres rangeaient leurs affaires pour repartir. Tomoyo, qui avait visiblement tout prévu, sortit une couverture de son sac, qu’elle installa sur la pelouse.
– On s’arrête ici quelques minutes ? demanda-t-elle. On va s’allonger pour admirer les étoiles.
– D’accord, si tu veux. Mais pas trop longtemps, j’aimerais rentrer avant qu’Azusa ne soit couchée.
Côte à côte et main dans la main, les deux amies contemplaient le ciel. Après avoir marché et discuté toute la journée, elles profitaient du calme de ce moment, sans dire un mot. Le parc était vraiment calme à cette heure, et la nuit qui tombait était magnifique, un coin de paradis au cœur de l’agitation de Tokyo. Sakura n’avait pas passé un moment comme ça depuis bien longtemps. Evidemment, elle avait fait quelques piqueniques avec sa fille quand elles étaient à Paris, mais jamais elle ne s’était retrouvée avec une amie comme Tomoyo dans cette situation. A vrai dire, elle n’avait pas eu beaucoup d’amis au long de ces dernières années. Elle repensait au repas d’anniversaire du week-end dernier, et au moment d’oppression qu’elle avait ressentie, allant même jusqu’à souhaiter de n’être jamais revenue à Tomoeda. C’était stupide, elle le savait, sa place était ici, c’était être à Tomoeda qui la rendait la plus heureuse. Le sentiment d’avoir oublié une partie de son passé persistait, mais qu’importe, elle voulait vivre le moment présent.
C’est Tomoyo qui brisa le silence la première :
– Regarde Sakura, on dirait un cœur, dit-elle en pointant le ciel du doigt.
– Ah oui, tu as raison, c’est mignon. Je ne me souvenais pas qu’une constellation avait la forme d’un cœur. Tu sais laquelle c’est ?
– Pas du tout, c’est hors de mes compétences.
– Ah, ici elles forment une étoile. C’est marrant ça, des étoiles qui forment une plus grosse étoile. Je n’avais jamais vu ça.
– Eh, ici elles ont la forme d’un ours en peluche.
– Hihi, oui on dirait Kéro, rigola Sakura.
– C’est qui Kéro ?
– Euh… C’est le nom d’un ours en peluche d’Azusa, il a exactement la même tête.
Dans le sac de Sakura, Kéro fulminait de se savoir comparé à un vulgaire jouet pour enfant.
Peu à peu, le ciel commençait à changer, ou plutôt, les étoiles commençaient à bouger.
– C’est quand même bizarre, s’interrogea Tomoyo, j’ai l’impression que les étoiles bougent dans le ciel. Le cœur de tout à l’heure n’est plus là. Tu crois que ce sont des étoiles filantes ?
– Non, je n’ai pas l’impression. Peut-être des avions ?
– Ou peut-être que ce sont des soucoupes volantes avec des aliens à leur bord, prêts à débarquer sur Terre ? dit Tomoyo avec une voix maléfique, bien décidée à faire paniquer son amie.
« C’est probablement une carte de Clow »
Une petite voix venait de sortir du sac de Sakura, qui comprit rapidement que c’était Kéro qui venait de parler. Tomoyo, étonnée, demanda à Sakura :
– C’est toi qui as dit ça Sakura ?
– Héhé, oui c’est moi, répondit-elle en imitant la voix de Kéro. Je m’entraine pour euh… un spectacle de marionnette. C’est rigolo, non ? C’est pour Azusa, elle adore quand je prends cette voix-là.
Excédé, Kéro sorti du sac volant à hauteur du visage des deux filles qui étaient désormais en position assise.
– C’en est trop, d’abord on me compare à un ours en peluche, et maintenant on dit que j’ai une voix de marionnette. Sakura, tu me déçois beaucoup.
– Mais qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Tomoyo, suivi de plusieurs longues secondes de silence. Une peluche qui parle, c’est étonnant, c’est la première fois que je vois ça.
– JE NE SUIS PAS UN OURS EN PELUCHE, cria Kéro. Je suis Kérobéro, le gardien des cartes de Clow. Et je peux vous le certifier, ce que vous prenez pour des étoiles dans le ciel n’a rien de naturel, c’est forcément une carte. Je sens sa puissance magique. Sakura, tu dois la capturer.
– Désolée Tomoyo, je n’avais pas prévu que ça se passe comme ça. Je t’expliquerai après.
Prenant le pendentif qu’elle tenait autour du coup, Sakura commença l’incantation « Clé du sceau sacré, je te somme d’apparaître. Moi, Sakura, chasseuse de cartes, je te l’ordonne, libère ta puissance ! ». Le pendentif scintilla et se transforma en sceptre que Sakura prit dans sa main.
A ce moment, une seule chose brillait plus que les étoiles dans le ciel, plus encore que le scintillement du pendentif, plus que n’importe quel éclairage dans Tokyo. C’étaient les étoiles dans les yeux de Tomoyo qui venait de voir sa meilleure amie invoquer un sceptre magique. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, mais elle était sous le charme. « Ma petite Sakura est devenue une magical girl », pensa-t-elle. Instinctivement, elle sortit son appareil photo, prête à filmer ce qui allait se passer. Elle l’ignorait, mais assurément, ça allait être un grand moment.
– Et maintenant, je fais quoi ? demanda Sakura.
– Capture la carte, je t’ai appris ce qu’il faut dire, lui répondit Kéro.
– Carte de Clow, reprend ta forme originelle, je te l’ordonne !
Malgré son incantation, rien ne se passait.
– Pourquoi ça ne marche pas Kéro ? Je n’ai pas dit ce qu’il fallait ?
– Non, c’était très bien, c’est comme ça qu’il faut faire.
– Alors pourquoi il ne se passe rien ?
– Je ne sais pas. Il y a forcément quelque chose qui cloche, mais quoi ? Ce n’est pas une carte offensive, sinon elle t’aurait attaqué. Donc normalement, il suffit d’approcher d’elle pour la capturer. C’est aussi simple que ça.
– S’approcher d’elle tu dis ?
Sakura sortit la seule et unique carte qu’elle avait en sa possession.
– Je compte sur toi ma belle. Carte créée par Clow, confère-moi tes pouvoirs, moi Sakura, je te l’ordonne.
Deux ailes poussèrent alors à l’extrémité de son sceptre qu’elle enfourcha avant de s’élever dans les airs. Non sans avoir vérifié à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas d’autres personnes dans le coin. Tout ceci ponctué par un « Bien joué Sakura ! » de la part de Kéro pour l’encourager. Tomoyo filmait toujours avec beaucoup d’attention, sans comprendre tout ce qu’il se passait. Sakura, prenant de la hauteur, était désormais au même niveau que ce qu’elles avaient pris pour des étoiles depuis le sol. « Alors c’est toi qui es à l’origine de tout ça », dit Sakura, en tendant la main vers cet amas de petites étoiles. Elles se déplacèrent alors et prirent peu à peu la forme d’une petite fille, scintillant de mille feux. Une main se dessinait, et prit celle que Sakura lui tendait. Depuis le sol, Tomoyo n’en manquait aucune miette, le zoom de son téléphone était suffisamment puissant pour tout voir comme si elle se trouvait à côté. La petite fille rejoignit Sakura sur son sceptre, et s’assit derrière elle en la tenant fermement par la taille. Toutes deux redescendirent sur le sol, à côté de Tomoyo et Kéro.
– Regardez, elle était bloquée dans le ciel, elle ne savait pas comment descendre, c’est pour ça qu’elle essayait d’attirer notre attention en prenant diverses formes.
– Maintenant, tu dois la capturer, Sakura.
– Désolée petite, tu ne peux pas rester ainsi dans ce monde, mais ne t’inquiètes pas, tu resteras avec moi, nous nous reverrons bientôt, lui dit Sakura pour la rassurer, avant de prononcer la formule magique. Carte de Clow, reprend ta forme originelle, je te l’ordonne !
Les étoiles qui composaient la petite fille se dispersèrent et, tout en se rapprochant de Sakura, prirent la forme d’une carte de Clow qui vint se placer dans sa main. « Et de deux », pensa-t-elle en souriant. Glow, c’est le nom de la carte, était désormais en sa possession.
– C’est dans la boite ! dit Tomoyo en rangeant son téléphone.
– Woé, tu as tout filmé ? lui demanda Sakura.
– Evidemment, ça va faire des super souvenirs, et même pas besoins d’ajouter des effets spéciaux. Mais il va falloir que tu m’expliques tout ça, Sakura. Ce que c’était, comment tu as fait pour voler dans le ciel, qu’est-ce qu’est cette histoire de carte, et surtout qui est cet adorable petit ourson jaune avec toi ?
– Promis, mais on doit rentrer, Azusa va m’attendre.
Le sceptre reprit sa forme de pendentif, que Sakura raccrocha atour de son cou. Elle rangea la carte dans son sac, ainsi que Kéro qui allait à nouveau devoir voyager clandestinement dans les transports.
Sur le chemin du retour, Sakura expliqua tout à Tomoyo. La découverte du livre de Clow, ce que Kéro lui avait raconté à propos de la capture des cartes et du fléau, la carte que Kaho Mizuki lui avait donnée, ses entrainements de vol à l’école. Bref, Tomoyo était maintenant au courant de tout, et ce fut un soulagement d’avoir pu tout lui avouer. C’était sa meilleure amie, elle ne voulait rien lui cacher, mais la situation était un peu délicate à expliquer. Mise devant le fait accompli, c’était beaucoup plus simple. Elle avait maintenant une alliée sur qui compter.
De retour à la maison, Azusa lui sauta dans les bras. Il était déjà l’heure pour elle d’aller se coucher, mais elle avait insisté pour attendre le retour de sa mère. Comme tous les soirs, Sakura lui lisait une histoire pour l’aider à s’endormir. Aujourd’hui, elle en commençait une nouvelle. Alice au pays des merveilles, un livre que Sakura se rappelait avoir déjà lu quand elle était plus jeune.
[1] Shibuya 109 est LE centre commercial consacré à la mode dans le quartier de Shibuya, à quelques pas du carrefour qu’on voit dans tous les films, où tous les piétons traversent tous en même temps.
[2] Célèbre statue à Shibuya, représentant le chien Hachiko, point de rencontre pour un grand nombre de personnes.