Découpage du chapitre
Les souvenirs du passé
Deux mois s’étaient écoulés depuis que Sakura était revenue à Tomoeda. Son retour n’avait pas beaucoup fait évoluer la situation. Le bilan était plus que mitigé au niveau de la capture des cartes. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que sa vie et celle de ses proches n’avaient pas été de tout repos durant son absence.
Après Mirror, qui avait pris l’apparence d’Azusa, Sakura avait quitté la ville pour se réfugier à Paris et trouver des réponses aux questions qu’elle se posait sur son passé.
Pendant son absence, Shaolan, Kaho et Kéro avaient capturé Thunder qui les avait mis à rude épreuve. Pour être exact, ce n’était pas vraiment eux qui l’avaient capturé, bien qu’ils l’aient combattu à plusieurs reprises. Dans un premier temps, ils avaient pensé que c’était Sakura, ce qui était impossible puisqu’elle était à Paris au même moment. Ils étaient alors arrivés à la conclusion qu’elle avait inconsciemment utilisé Mirror pour venir en aide à ses amis. Mais la vérité était tout autre. C’était en fait Noeru, la mystérieuse acolyte de Muu Wakabayashi qui l’avait capturé en prenant l’apparence de Sakura à l’aide de Mirror. Elle avait ensuite placé Thunder avec les autres cartes, dans le livre de Clow. Et à part Eriol, à qui elle avait tout raconté, les autres ignoraient ce qu’il s’était réellement passé.
Pendant ce temps à Paris, Sakura avait mystérieusement perdu la vue. Ce n’est que lors de son retour à Tomoeda que tout était rentré dans l’ordre, lorsqu’elle captura Light et Dark. Puis, elle avait passé une bonne partie de la nuit à tout expliquer à ses amis.
Même s’il avait été la source de beaucoup de problèmes, son passage à Paris avait été décisif. Là-bas, ses rêves s’étaient intensifiés et elle avait peu à peu pu remettre de l’ordre dans ses souvenirs, et les pièces du puzzle avaient alors commencé à s’emboiter. La rencontre avec Nakuru Akizuki avait mis un terme à ses recherches. Elle avait enfin trouvé quelqu’un qui se souvenait d’elle, et qui était en mesure de combler les zones d’ombres de sa mémoire.
Après avoir utilisé Illusion pour raviver ses souvenirs, elle avait rapidement compris qu’elle était déjà partie à la chasse des cartes à deux reprises. Une fois lorsqu’elle était à l’école primaire, une autre fois au lycée. A chaque fois, elle avait été accompagnée de Kéro et Shaolan. A chaque fois, elle avait dû affronter Yué, qui n’était autre que la véritable forme de Yukito Tsukishiro, le petit ami de Toya. Mais à chaque fois, elle avait échoué. Le fléau, l’oubli, avait donc effacé ses souvenirs. Ce sont ces souvenirs qu’elle avait réussi à restaurer à l’aide d’Illusion. En revanche, toute la période de sa vie qu’elle avait passée à Paris était encore entourée d’un épais voile de mystère. Il lui était toujours impossible de se souvenir de ce qu’elle avait bien pu faire là-bas. Le seul souvenir de Paris était Azusa, sa fille, qui avait désormais disparu et dont personne à part elle ne se souvenait jusqu’à la capture d’Illusion. C’est ce passé qu’Akizuki l’avait aidé à retrouver.
Quelques années après son arrivée à Paris, les cartes réapparurent. Encore une fois, Kéro et Shaolan étaient à ses côtés pour l’aider. Cette fois-ci, elle réussit à vaincre le juge Yué et à devenir la véritable maitresse des cartes. Eriol Hiiragizawa, la réincarnation de Clow Read, avait alors joué avec elle pour la forcer à transformer toutes ses cartes en cartes de Sakura. Ce ne fut pas une mince affaire, mais elle réussit. Pendant leur combat, Eriol était accompagné de deux fidèles comparses. Spinel Sun et Ruby Moon, qui était pour Clow ce que Kérobéro et Yué étaient pour Sakura. Ses gardiens. Tout comme Yukito et Yué qui n’étaient qu’une seule et même personne, l’autre identité de Ruby Moon était en fait Nakuru Akizuki, la jeune femme qui l’avait raccompagné à Tomoeda. Comme Yué, Ruby Moon tirait ses pouvoirs de la lune, tandis que Spinel Sun tirait ses pouvoirs du soleil.
En parallèle à tout ça, Sakura était devenue maman. Elle en était maintenant persuadée, le père d’Azusa ne pouvait être que Shaolan.
Mais, alors qu’ils vivaient tous les trois une vie paisible à Paris, leur quotidien fut bouleversé par un puissant ennemi. Le combat s’était soldé par une victoire de Sakura. Mais, cette victoire à la Pyrrhus avait eu de lourdes conséquences. Spinel Sun et Ruby Moon avaient tous deux perdu leurs pouvoirs. Elle était devenue Nakuru Akizuki, une personne comme les autres. Spinel Sun était le même qu’avant, un « ours en peluche » doté d’une conscience et de la parole, mais ne pouvait désormais plus utiliser ses pouvoirs magiques.
Eriol avait été très lourdement blessé, et avait dû attendre plusieurs mois avant de se remettre sur pied et récupérer ne serait-ce qu’une partie de ses pouvoirs.
Malheureusement, au terme de ce combat dévastateur, Yué avait totalement disparu. Personne ne savait vraiment ce qu’il était advenu de lui ni de son alter ego, Yukito. Sakura comprenait maintenant la raison de son absence, mais elle gardait espoir de le retrouver un jour.
Enfin, juste avant d’être vaincu, leur ennemi lança un puissant sortilège. L’effet était le même que le fléau, mais d’une intensité encore plus grande. C’est pour cette raison que Sakura n’avait pas réussi à se souvenir de cette période suite à l’utilisation d’Illusion. Au final, les cartes redevinrent de simples cartes de Clow. Sans maitre, elles retournèrent dans leur livre. Tous les protagonistes liés à ce combat et aux cartes perdirent le souvenir des dernières années. Sakura et Shaolan furent à nouveau séparés. Sans personne pour la garder à Paris, Sakura rentra à Tomoeda avec Azusa. Elle ne savait pas qu’une nouvelle chasse aux cartes l’attendait.
Une fois le combat terminé, Eriol retourna en Angleterre en compagnie de Spinel et Akizuki. Au cours de sa guérison, alors que son pouvoir grandissait, il retrouva peu à peu ses souvenirs. Avant de partir lui aussi à Tomoeda pour aider Sakura dans l’ombre et s’assurer que tout se passerait bien, il raconta ce dont il s’était souvenu à Nakuru et Spinel.
Ils communiquaient souvent, lui faisant part des progrès de Sakura. Il leur avait aussi parlé d’une femme qu’il avait connue il y a bien longtemps, une certaine Kaho Mizuki. Mais, ayant été affectée par le fléau, elle n’avait pour sa part aucun souvenir de lui. Elle vivait avec le frère de Sakura et savait qu’elle serait une alliée sur qui elle pourrait compter. C’est pour ça qu’il lui confia Fly, lui demandant de la remettre ensuite à la Card Captor.
Lui qui était d’habitude très réservé sur ses sentiments, il avait semblé très affecté de voir que cette femme filait le parfait amour avec Toya. Quand il lui avait donné Fly, il s’était contenté de dire qu’il était un lointain parent de Clow. N’ayant pas encore totalement récupéré depuis son précédent combat, son pouvoir était amoindri, et jamais Kaho n’aurai pu deviner que la personne qui se tenait en face d’elle était en fait la réincarnation de Clow. En partant, il avait croisé Sakura qui prenait l’ascenseur. Ce fut la seule fois où il se trouva face à face avec elle.
Mais un jour, les échanges cessèrent. Nakuru n’eut plus aucune nouvelle d’Eriol. Elle gardait simplement en tête ce qu’il lui avait confié lors de leur dernière conversation : « Si un jour je disparais, c’est probablement que notre ennemi est de retour. Dans ce cas, reste en dehors de tout ça. Spinel et toi ne devez pas intervenir. Je finirai par revenir. ». Elle savait de toute manière que sans ses pouvoirs, elle ne pourrait pas faire grand-chose.
Mais, lasse d’attendre son retour, elle avait fini par craquer. C’est ainsi qu’après six mois sans nouvelles, elle décida de partir à sa recherche à Tomoeda. Elle l’avait cherché partout, y compris à Tokyo et dans les villes aux alentours. Evidemment, c’était vain, puisqu’il avait été fait prisonnier par Muu Wakabayashi. Mais ça, elle ne le savait pas.
Sakura aussi demeurait introuvable. Elle était en fait arrivée au Japon seulement deux jours après que Sakura ait elle-même décidé de se rendre à Paris. Elles n’avaient fait que se croiser.
Ici, elle assista à la capture de Thunder et à l’avènement de Light. Ne pouvant rien faire de plus, elle décida de rentrer chez elle en Angleterre et rester loin de tout ça, comme Eriol lui avait initialement conseillé. Sur le chemin de retour, l’intuition la fit s’arrêter à Paris pendant quelques jours. Comme si quelqu’un ou quelque chose l’avait conduite ici.
Et c’est par le plus grand des hasards que son chemin croisa celui de Sakura. Elle l’avait tout simplement vu en train de se promener dans un parc, en compagnie d’une amie. Elle ressemblait trait pour trait à la description qu’en avait faite Eriol. Après vérifié qu’il s’agissait bien d’elle, et avoir découvert où elle résidait, elle frappa à sa porte, bien décidée à la ramener à Tomoeda.
Après toutes ces aventures, le calme était revenu. Sakura avait déjà capturé 18 cartes, il n’en restait donc plus qu’une. Mais pour le moment, elle ne s’était pas encore manifestée. Au cours des deux derniers mois, Sakura en avait profité pour ressouder les liens avec ses proches.
Elle avait beaucoup discuté de Yukito avec Toya. Il avait peut-être disparu, mais Sakura sentait au fond d’elle qu’ils finiraient par être tous réunis. Elle lui avait déjà fait la promesse qu’elle le retrouverait, et elle comptait bien s’y tenir.
Elle rassura son père qui s’était beaucoup inquiété de tout ce qui avait pu lui arriver au cours de la dernière année. Evidemment, elle passa sous silence tout ce qui concernait les cartes de Clow. Mais il n’était pas dupe, il savait très bien que des choses étranges se passaient. Il ne voulait juste pas lui en parler pour éviter de la gêner.
Plus que jamais, elle passa du temps avec Tomoyo, avec les élèves de son club d’athlétisme, et ses amies de l’école primaire.
La gérante du club de tennis où elle travaillait avait été suffisamment clémente pour bien vouloir la reprendre. Elle avait donc repris son activité de professeure de tennis.
Côté lycée de Tomoeda, elle était toujours persona non grata. C’était impossible qu’elle retrouve un jour son poste. D’autant plus que son remplaçant s’accrochait à sa place. Elle ne l’avait pas recroisé, mais gardait toujours en mémoire leur première rencontre, quand il avait été ignoble avec elle. Evidemment, elle ignorait qu’il était lui aussi un puissant sorcier, qu’il avait fait prisonnier Eriol, et qu’il œuvrait dans l’ombre pour s’emparer de ses cartes.
Et enfin, elle s’était rapprochée de Shaolan et ils passaient souvent du bon temps ensemble. Elle n’avait pas voulu lui parler de sa potentielle paternité d’Azusa. Après tout, rien ne prouvait qu’il était vraiment le père. C’était simplement la conviction de Sakura. Mais pour le moment, elle laissait ça de côté, préférant profiter du temps passé avec lui.
Hanami à Ueno
Dans le parc d’Ueno, Sakura était assise par terre en compagnie de ses amis. Installés autour d’une grande bâche bleue, ils étaient en train de piqueniquer.
Bien évidemment, Tomoyo était présente, mais aussi toutes ses amies qu’elle connaissait depuis l’école primaire. Chiharu était là, toujours avec Takashi comme à son habitude. Cette fois, Monsieur Terada avait accompagné Rika. Même si sa présence tranchait un peu avec le reste du groupe, Sakura était toujours très contente de le voir aussi. En revanche, Naoko était venue seule, son petit ami n’avait pas voulu se joindre à elle. D’après elle, il était très timide et préférait les moments partagés à deux. De toute manière, ils avaient prévu de se voir ce soir.
Hikari était présente elle aussi, toujours accompagnée de Masao qui avait décidé de faire une pause dans ses révisions. Etant en dernière année de lycée, il devait bientôt passer des examens pour obtenir une place à l’université. Mais après avoir révisé pendant plusieurs jours, il était temps de s’accorder un petit répit. Nanami aussi était présente. Naturellement douée à l’école, elle ne ressentait pas le besoin de beaucoup réviser. Les autres élèves de terminale n’avaient en revanche pas voulu faire une entorse à leur programme de révision. Gôsuke et Yukiko, quant à eux, avaient prévenus qu’ils arriveraient un peu plus tard dans l’après-midi.
Fujitaka, Toya et Sonomi étaient là eux aussi. Même Kaho avait bien voulu se joindre à eux, même si c’était toujours un peu délicat de retrouver Toya.
Et enfin, Shaolan était là.
A l’origine, ils n’avaient rendez-vous que tous les deux, Sakura et lui. Elle avait planifié ce rendez-vous depuis longtemps. C’était le 14 février, et elle voulait passer un moment juste en sa compagnie, pendant lequel elle pourrait lui offrir des chocolats qu’elle avait faits elle-même.
Mais cette année, il s’était passé quelque chose d’assez exceptionnel. Les cerisiers étaient déjà en fleur, et le Hanami, qui se tenait d’habitude entre fin mars et début avril, avait été avancé.
De fait, Sakura avait aussi été sollicitée par ses amies pour venir fêter ça tous ensemble. Elle avait donc combiné son rendez-vous amoureux et la rencontre avec ses amis.
Ils étaient ainsi tous rassemblés dans le parc d’Ueno pour piqueniquer. Chacun d’entre eux avait préparé quelque chose à manger et à partager avec les autres. Sakura avait cuisiné des Yakisobas, Tomoyo avait pâtissé un fraisier pour le dessert, et même Shaolan avait mis la main à la pâte en préparant des raviolis chinois.
Tous allaient pouvoir se régaler en mangeant les plats préparés par les uns et les autres. Enfin, presque tous… Le grand absent de l’après-midi était Kéro. Il avait supplié Sakura de l’emmener avec elle, mais elle avait refusé. Trop de monde était réuni, il prenait le risque de se faire découvrir. Sakura se voyait mal expliquer à ses amis comment un ours en peluche pouvait bien parler. Pour compenser, Tomoyo lui avait préparé un fraisier uniquement pour lui. A coup sûr, Sakura le retrouverait en plein coma diabétique lors de son retour à la maison.
La vraie histoire des chocolats de Saint Valentin
– Qui veut un chocolat ? demanda poliment Shaolan.
Sakura le regarda passer la boite à ses amis. Il était vraiment en train de partager les chocolats qu’elle lui avait offerts et pour lesquels elle avait passé tant de temps à les préparer.
– Mais… commença-t-elle.
– Tu en veux un aussi ?
Il lui tendit la boite dans laquelle il n’en restait que quelques-uns. Elle lui jeta un regard noir en refusant la boite.
– On dirait que quelqu’un est fâché, dit Naoko.
– Tu m’étonnes, ça ne se fait pas de proposer aux autres des chocolats qu’une fille a préparés spécialement pour toi, continua Chiharu.
– Désolé, répondit maladroitement Shaolan, je voulais juste être gentil.
– J’ai offert des chocolats à Takashi ce matin, ça m’aurait déplu qu’il en propose à d’autres personnes.
– C’est bon, j’ai compris. Je suis désolé, Sakura, je ne pensais pas à mal.
– Ne t’inquiète pas, je ne t’en veux pas. Mais c’est vrai que j’aurais préféré que tu gardes tout pour toi.
– D’ailleurs, à ce propos, est-ce que vous savez pourquoi c’est mal vu de proposer aux autres des chocolats qu’on vient de nous offrir ?
– Ca y est, ça recommence. Attention à ce que tu vas dire, menaça Chiharu en montrant son poing à Takashi.
– Qu’est-ce qui recommence ? demanda Shaolan.
– Tu vas voir, répondit Tomoyo en rigolant.
– La tradition de préparer et d’offrir des chocolats le jour de la Saint-Valentin remonte à très longtemps. Aujourd’hui, on le fait surtout envers les personnes pour lesquelles on éprouve de forts sentiments.
Les regards de Sakura et Shaolan se croisèrent, et tous les deux rougirent.
– Mais avant, on offrait de chocolats pour n’importe quelles raisons. Pour signaler son amour à l’autre personne, en gage d’amitié, en signe de reconnaissance. Mais parfois, c’était pour d’autres raisons. Un jour, une femme offrit à son mari une belle boite de chocolat avant qu’il ne parte travailler, le jour du 14 février. La boite était particulièrement belle, fait à la main, rien à voir avec les coffrets cadeaux qu’on pouvait trouver dans le commerce. Les chocolats, eux aussi, étaient faits maison. Ravi de ce cadeau, l’homme ne put s’empêcher de le montrer à ses collègues. Dans un élan de générosité, il leur proposa de gouter et fit tourner la boite parmi eux. Malheureusement, quand elle revint à lui, elle était vide.
– C’est pour ça qu’il ne faut pas proposer ses chocolats aux autres ? Pour éviter qu’elle revienne vide ? demanda Shaolan.
– Je n’ai pas fini mon histoire. Le soir, l’homme rentra chez lui. Sa femme lui demanda comment s’était passée sa journée. Pour ne pas l’attrister, il ne lui dit pas que tous ses collègues avaient mangé les chocolats sans même lui en laisser un. Ils passèrent la soirée ensemble et partirent se coucher. En pleine nuit, il fut réveillé par des sirènes et par des personnes qui tapaient à sa porte. C’était la police qui venait pour l’arrêter. En effet, tous ses collègues qui avaient mangé des chocolats étaient soit morts, soit à l’hôpital dans un état critique. Ils avaient été empoisonnés.
– Mais c’est horrible, intervient Sakura.
– Après enquête, il s’est avéré que c’est la femme qui voulait se débarrasser de son mari. Elle avait découvert qu’il la trompait, et avait voulu se faire justice elle-même en l’empoisonnant avec des chocolats. Depuis ce jour, il est très mal vu de proposer des chocolats de Saint-Valentin qu’on nous a offerts à d’autres personnes.
Tout le monde s’observait, perplexe, la boite de chocolat quasiment vide. Hikari qui était en train d’en porter un à sa bouche le reposa sur l’assiette devant elle.
– Si ça peut vous rassurer, je n’ai pas essayé d’empoisonner Shaolan.
– Mais c’est vrai toute cette histoire ? demanda-t-il.
Chiharu fixait Takashi, essayant de déterminer s’il disait la vérité ou non.
– D’habitude, c’est le roi des bobards. Mais là, j’avoue que j’ai un doute.
– Je ne sais pas si c’est vrai, intervint Rika, mais c’est une histoire qui semble possible.
Monsieur Terada semblait d’un coup moins paisible.
– Je suis d’accord avec Sakura, c’est horrible comme histoire.
– Ne t’inquiètes pas mon amour, je ne t’empoisonnerai jamais.
Les trois lycéens, qui n’avaient pas l’habitude des histoires de Takashi, se mirent eux aussi à discuter.
– Cette histoire me dit quelque chose, je crois que j’ai déjà vu ça à la télé.
– Tu ne confonds pas plutôt avec tes séries, Masao, demanda Hikari.
– Peut-être, mais je crois aussi l’avoir lu sur internet.
– C’est quand même dommage, remarqua Nanami.
– Oui, tous ses collègues sont morts alors qu’ils n’avaient rien demandé.
– Mais non, je ne parle pas de ça. C’est dommage qu’elle ait loupé son mari. Après tout, il l’a trompé !
– Nanami est vraiment terrifiante, murmura Tomoyo à l’oreille de Sakura.
– Mais c’est terrible ce que tu dis. Elle doit avoir plein de morts sur la conscience.
– Ecoute, Hikari, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Son mari l’a bien cherché. C’est juste dommage qu’il n’ait rien eu. Elle s’est loupée dans son plan. Moi, un mec ou une fille qui me fait ça, je ne le louperai pas, je lui souhaite de courir vite.
– D’accord, mais ses collèges sont morts.
– J’ai bien compris. Mais au final, c’est bien de la faute du mari.
– Je… non, laisse tomber…
– Eh les jeunes, interrompit Chiharu. N’oubliez pas que c’est une histoire de Takashi. On ne sait pas encore si c’est la vérité ou non.
Tous les regards se tournèrent vers lui, mais son visage impassible ne laissait paraitre aucun indice. Le silence fut troublé par Masao qui releva la tête de son téléphone, sur lequel il était depuis tout à l’heure.
– Ah, j’ai trouvé !
– Tu as trouvé quoi ? demanda Sakura.
– Regardez, c’est écrit ici.
Il tendit son téléphone aux autres. Une page indiquait en gros titre : « Une femme tue les collègues de son mari infidèle qu’elle voulait empoisonner ».
– Ca fait un peu clickbait, comme titre d’article, remarqua Naoko.
– En tout cas, ça correspond bien à l’histoire, conclut Chiharu après avoir parcouru le texte en diagonale.
Au moment où le téléphone passa entre ses mains, Tomoyo pouffa de rire, avant de le donner à Takashi.
– Ah, génial, vous avez trouvé mon site.
– De quoi tu parles ? demanda Chiharu qui avait peur de comprendre.
– Et bien, c’est mon site internet. Celui où je publie mes articles. Mythes et légendes modernes, la vérité sur les origines des faits les plus insignifiants qui rythment notre quotidien.
– Espèce d’idiot, cria-t-elle en le frappant. Je vais ajouter du laxatif dans tes chocolats, tu vas voir, tu vas regretter de dire n’importe quoi.
– Mais alors, c’est faux ? demanda Shaolan.
– J’en ai bien peur, répondit Tomoyo. Mais les histoires de Takashi sont toujours aussi passionnantes.
– Ouf, soupira Hikari, ça me rassure pour ces collègues de travail. Ils ne méritaient vraiment pas ce qui leur était arrivé.
– Ce n’est que partie remise, dit simplement Nanami.
Une fois de plus, Takashi avait brillé par son imagination. Et cette fois, il avait bluffé tout le monde. Même Chiharu avait failli tomber dans le panneau. En tout cas, après avoir mangé les chocolats de Sakura, personne n’était tombé malade.
Fin de journée
Même si tout le monde s’amusait bien, la situation était un peu plus délicate pour Shaolan. Quand Sakura avait restauré les souvenirs de tout le monde grâce à Illusion, le passé était peu à peu revenu, et ses amis se souvenaient de Shaolan. En revanche, il n’y avait eu aucun effet sur lui. Il ne se rappelait plus des moments passés avec Sakura ni avec les autres camarades de classe.
Kéro n’avait pas d’explication à fournir, mais il voyait deux solutions. La première était que Shaolan, possédant un fort pouvoir magique, n’avait tout simplement pas été affecté par Illusion. L’autre possible était que, inconsciemment, Sakura n’avait pas voulu affecter Shaolan. Mais, quelle qu’en soit la raison, le résultat était le même pour lui.
Cette perte de mémoire était compliquée à gérer lors des conversations. Quand Naoko avait commencé à lui parler du jour où il avait rejoint le lycée, il avait bien été incapable de dire quoi que ce soit. Heureusement, Sakura était venue à son secours en racontant toute la scène. Il avait aussi en tête les différents moments que Sakura avait pu lui raconter lors de leurs précédents rendez-vous. Il pouvait ainsi donner le change, et personne ne s’était rendu compte qu’il n’avait aucun souvenir de cette époque.
La journée terminée, tout le monde s’attelait à jeter les détritus et à ranger les affaires pour laisser le parc aussi propre qu’avant leur arrivée. C’était le cas de Sakura et ses amis, mais aussi de tous les autres groupes qui étaient venus fêter le Hanami à Ueno. Les grandes bâches bleues qui parsemaient les pelouses disparaissaient peu à peu pour laisser place à la verdure de la pelouse.
– Je vous ramène, les enfants ? demanda Fujitaka à Toya et Sakura.
– Merci Papa, mais je suis venu en moto, je vais repartir de mon côté.
– Et toi, Sakura ?
– Euh… Je… Je serais bien restée un peu plus longtemps.
– Tu as prévu autre chose pour ce soir ?
– Non. Enfin oui, mais…
– Papa, je crois qu’elle a envie de rester seule avec son ami. Ca ne m’enchante pas vraiment, mais elle est grande maintenant !
Sakura tourna la tête vers Shaolan en rougissant.
– Evidemment, on a transformé votre rendez-vous à deux en Hanami.
– C’était un plaisir de voir tout le monde rassemblé ici. Mais Toya a raison, j’aimerais bien passer un peu de temps avec Shaolan.
– Alors j’y vais, bonne fin de journée à tous les deux.
Fujitaka embrassa sa fille avant de partir. Les autres se dirent au revoir avant de se disperser pour rentrer chez eux. A son tour, Toya souhaita une bonne soirée à Sakura et s’approcha de Shaolan.
– Si tu fais quoi que ce soit à ma sœur, si tu lui fais mal, si tu la fais pleurer, tu auras affaire à moi.
Shaolan ne bougea pas d’un cil. Il n’avait pas souvent vu Toya, mais ses menaces lui semblaient familières.
Lorsque son frère commença à s’éloigner, Sakura rigola.
– Tu ne t’en souviens probablement pas, mais quand on était au lycée, il essayait souvent de t’intimider comme ça.
– Je n’en ai aucun souvenir. Mais il ne me fait pas peur.
Ils firent un tour ensemble dans le parc, voyant les autres visiteurs partir les uns après les autres. Un gardien passa par là pour les presser, leur signalant qu’il devrait bientôt fermer les portes.
Après un moment de silence, tous deux prirent la parole en chœur.
– Merci…
– Désolé, commence la première.
– Non, toi, vas-y d’abord.
– D’accord. Je voulais te remercier pour les chocolats. Et m’excuser d’en avoir proposé aux autres, je ne pensais pas que ça t’embêterait.
– C’est vrai que je me suis donné du mal, donc j’aurais préféré que tu les gardes pour toi. Mais ça m’a fait plaisir aussi de voir que tu faisais des efforts avec mes amis.
– Ils sont sympas, j’ai essayé de l’être aussi. Et toi, que voulais-tu me dire ?
– Je voulais te remercier d’être venu aujourd’hui avec moi. Et d’une manière générale, d’être là pour moi. Ce n’est pas un secret, tu sais que je t’aime beaucoup.
La dernière carte
– Sakura… Ce n’est pas que pour ça que tu m’as demandé de venir.
– Toi alors, tu ne changeras pas. Je te dis des mots gentils, et il faut toujours que tu changes de sujet. Mais tu as raison, j’ai une dernière chose à faire. Je dois capturer Flower, la cause de ce Hanami anticipé.
– Tu savais que c’est elle qui était derrière tout ça, pourquoi ne l’as-tu pas capturée avant ?
– J’avais vraiment envie qu’on passe ce moment tous ensemble. Je sais que c’est important de capturer les cartes, mais Flower n’est vraiment pas dangereuse.
– Je pensais que tu étais pressée de retrouver ta fille.
– Evidemment ! Quelle question ! Mais pour le moment, on a toujours supposé qu’Azusa reviendrait une fois les cartes capturées, mais rien ne permet de l’affirmer. J’ai un peu peur de ne pas la retrouver malgré tout. Si elle était toujours absente, je serai terriblement déçue. Et il y a aussi le jugement. Je sais que Yué doit apparaitre pour m’évaluer, mais il n’y a toujours aucune trace de Yukito, son alter ego. Je ne sais pas ce qui va réellement se passer.
– Tu ne le sauras jamais si tu ne fais rien.
– Ne t’inquiète pas, je fais achever ma mission, je vais capturer Flower. C’est juste que j’appréhende ce moment. J’ai l’impression qu’une fois toutes les cartes en ma possession, ça ne sera pas la fin, mais le début…
– Le début de la fin, continua Shaolan.
– C’est exactement ce que j’allais dire. Cette phrase fait écho dans mon esprit. Je ne sais pas d’où elle vient, elle me semble très familière.
– Moi aussi, ça m’est venu naturellement.
– C’est probablement quelque chose qui nous lie et que nous ignorons encore. Bref, il faut que je finisse mon travail. Je dois capturer Flower. C’est dommage, ces cerisiers étaient très beaux.
Sakura sortit la clé qu’elle tenait autour du cou. Elle avait répété ça un bon nombre de fois, à chaque capture de carte, mais il y avait cette fois un gout différent. Après ça, plus rien ne serait comme avant. Shaolan l’observait avec attention. C’était finalement la première fois qu’il la voyait invoquer le pouvoir de sa clé. A chaque fois, il était arrivé dans le feu de l’action, quand elle était déjà en train de se battre face aux cartes.
– Clé du sceau sacré qui renferme les pouvoirs de l’étoile, je te somme d’apparaître. Moi, Sakura, chasseuse de cartes, je te l’ordonne, libère ta puissance !
L’étoile ? Quel était ce pouvoir que Sakura venait d’invoquer ? Shaolan, même s’il n’avait jamais vraiment assisté à une capture de carte, n’avait pas connaissance que Clow utilisait le pouvoir de l’étoile. Il ne savait même pas ce que c’était. La clé que Sakura portait autour du cou se transforma en sceptre magique orné d’une étoile accompagnée de deux petites ailes. Ce que Shaolan ressentait à cet instant, c’était la magie de Clow combinée à celle de Sakura.
– Carte de Clow, révèle-moi ta véritable apparence, je te l’ordonne !
En quelques instants, les fleurs des cerisiers se détachèrent de leurs tiges. Elles virevoltèrent vers Sakura et se compactèrent devant elle pour prendre la forme d’une petite fille. Jusqu’à maintenant, mis à part les cartes majeures telles que Firey ou Light et Dark, toutes les autres avaient pris la forme d’une petite fille. Une petite fille qui rappelait Azusa. Tout était forcément lié. Depuis le début, les cartes prenaient cette apparence juvénile. Ca n’était pas qu’une coïncidence.
– La première fois que j’ai capturé une carte, c’était dans un parc, dit-elle à Shaolan. Et là, pour la dernière, je me trouve à nouveau dans un parc. La boucle est bouclée.
Elle se tourna vers Flower.
– Merci pour cette fabuleuse journée, Flower. J’ai pu voir mes amis d’enfance, mes élèves, ma famille. Il ne manquait qu’une personne, j’ai hâte de la retrouver.
Quelques pétales s’envolèrent vers elle. Ils sentaient bon. La fleur de cerisier, la fleur préférée de sa mère Nadeshiko, qui avait choisi le prénom de Sakura pour cette raison.
– Il en manquait deux, en fait. Pour la seconde, c’est malheureusement trop tard. C’est pour ça que je dois me battre jusqu’au bout pour retrouver Azusa.
Elle empoigna son sceptre des deux mains, plus déterminée que jamais.
– Carte de Clow, reprend ta forme originelle, je te l’ordonne !
Les fleurs qui lui faisaient face se dispersaient et se mirent à tourbillonner, avant de se diriger vers elle.
Une carte apparut devant elle, flottant dans les airs, qu’elle prit alors dans sa main. Flower, la carte de Clow qui lui manquait. Souriante, elle se tourna vers Shaolan.
– Ca y est, j’ai la collection complète, dit-elle en rigolant.
– Il se passe quelque chose de particulier ?
– Je n’en ai pas l’impression, mais je ne m’attendais pas à ce qu’Azusa apparaisse comme ça devant moi immédiatement.
– Ce n’est peut-être pas non plus instantané.
– Tu dois avoir raison, dit-elle avec une pointe de déception dans la voix. On va déjà rentrer et voir avec Kéro, peut-être qu’il pourra m’en dire plus.
– Yué n’est pas non plus apparu, remarqua Shaolan.
– Pour Yué, je m’y attendais. Il a disparu lors de ma dernière tentative pour rassembler les cartes. Je ne m’attendais pas à le voir. Rentrons, sinon le gardien va encore venir nous demander de partir.
Mais alors qu’ils s’apprêtaient à sortir du parc, ils croisèrent quelqu’un que Sakura connaissait bien. Elle ne l’avait pas souvent rencontré, mais sa réputation le précédait.
– Mademoiselle Kinomoto.
Muu Wakabayashi, le professeur qui l’avait remplacé au lycée de Tomoeda, se trouvait devant elle. Il était accompagné d’une jeune fille. En raison de l’obscurité, Sakura n’arrivait pas à distinguer son visage qui était partiellement recouvert par une capuche. Mais elle savait très bien de qui il s’agissait. C’était la fille qu’elle avait déjà vue dans un de ses rêves. Celle qui lui volait toutes ses cartes.
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