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Chapitre 19 : Sakura et le retour de Kéro – Partie 2

Les retrouvailles

Kéro revenu, Sakura avait commencé à reprendre espoir. En plus de retrouver un allié supplémentaire, cela signifiait que les personnes ayant disparu à cause d’Erase, avaient bel et bien la possibilité de revenir, même plusieurs mois plus tard. C’était donc, pour elle, un présage du retour prochain d’Azusa. Mais beaucoup de points restaient encore à éclaircir. Pourquoi Kéro et Azusa avaient disparu ? Comment avait-il fait pour revenir ? Pourquoi le temps semblait s’être arrêté pour lui ? Et surtout, comment faire revenir Azusa ?

Les visiteurs du temple Tsukimine avaient fini par repartir, pensant toujours qu’un séisme était à l’origine de tous ces dégâts. Seuls et enfin réunis, Kaho, Sakura, Shaolan et Kéro, qui avaient repris sa forme d’ourson jaune, pouvaient désormais passer aux explications.

– Sakura, il faut que tu m’expliques ce qu’il s’est passé. J’allais te dire qu’Erase était à l’origine de la disparition de la population de la ville, quand j’ai moi aussi disparu.

– Où étais-tu ? lui demanda Kaho.

– Je ne sais pas trop. Ca ne ressemblait à rien que je connaisse. L’obscurité à perte de vue, le noir le plus complet.

– Tout ce temps passé dans le noir, ça doit être terrifiant.

– Au début, je me demandais bien où je pouvais être. J’ai eu peur de rester coincé toute ma vie. Mais au final, ça a duré à peine cinq minutes.

Kaho et Sakura se regardèrent, étonnées par les propos de Kéro.

– Kéro, tu n’es pas resté cinq minutes, répondit Sakura. Ca fait six mois que tu as disparu.

Le gardien observa Sakura, sans dire un mot. Il resta comme ça une dizaine de secondes avant d’exploser de rire.

– Ahahah, c’est une bonne blague, j’ai failli y croire, mais ça ne marche pas sur moi.

– Sakura t’a dit la vérité, Kéro, enchaina Kaho. Et ce n’est que le début.

– Tout le monde avait disparu, mais j’ai fini par capturer Erase, c’était bien elle. Pour rétablir la situation, je l’ai transformé en carte de Sakura, et j’ai effacé ses dernières actions pour faire réapparaitre tout le monde. Malheureusement, j’ai dépensé trop d’énergie, et je suis resté deux mois dans le coma.

– Sakura… C’est donc la vérité ?

– A mon réveil, pour moi, rien n’était plus comme avant. Des souvenirs sont réapparus. Ces souvenirs dont j’avais tant de mal à me remémorer étaient subitement revenus. Connais-tu ce jeune homme ? demanda-t-elle en lui désignant Shaolan.

– Pas le moins du monde.

– Je suis Shaolan Li.

– Quoi ? Li ? De la famille Li ? Les descendants de Clow Read ?

– Oui, c’est bien moi.

– Que fait-il ici ?

– Il est venu m’aider à capturer les cartes. Mais ce n’est pas la question. Vu ta réaction, j’imagine que tu ne l’avais jamais vu ?

– Non, jamais vu.

– Et pourtant, il est dans mes souvenirs. J’ai la certitude que nous nous sommes déjà rencontrés au lycée. Mais personne d’autre ne se souvient de lui.

Kéro était circonspect. Il faisait confiance à Sakura, mais comment tout ceci était possible ?

– Erase aurait donc aussi supprimé des souvenirs ?

– C’est possible ? demanda Sakura.

– En théorie oui. A moins que… non, oublie ça, continua-t-il après quelques secondes de pause.

– A moins que ?

– Rien, juste les divagations de mon esprit.

Où est Azusa ?

Kéro était troublé. Il avait bien une autre hypothèse, mais il n’était pas autorisé à en parler à Sakura. L’oubli, la perte de souvenirs, tout ceci ressemblait à ce que le fléau pouvait provoquer. Mais Sakura n’avait pas encore rencontré Yué, elle ne l’avait pas affronté, elle n’avait même pas fini de rassembler les cartes. Ca ne pouvait pas être ça.

– D’autres choses oubliées ?

– Sais-tu qui est Azusa ?

Sakura y arrivait enfin. Elle allait maintenant savoir si Kéro serait en mesure de l’aider à retrouver sa fille.

– Jamais entendu parler. Une amie à toi ?

Le visage que Sakura s’assombrit. Elle était donc la seule à se souvenir d’elle. Kaho prit le relais pour donner les explications à Kéro.

– C’est la fille de Sakura.

– Quoi ? Sakura a une fille. Mais, comment c’est possible ? Si je ne me trompe pas, il faut neuf mois pour faire un bébé humain. Et il ne s’est pourtant écoulé que six mois.

– Non, tu n’as pas compris. Azusa est la fille que Sakura avait, avant que tu ne disparaisses. Elle avait 6 ans. Elle aussi a été effacée par Erase, mais elle n’est jamais réapparue. La différence avec toi, c’est que plus personne ne se souvient d’Azusa, hormis Sakura. Moi-même, je ne m’en souviens pas. C’est Sakura qui nous a tout raconté.

– Je pensais que tu pourrais nous en dire plus, et m’aider à la retrouver.

– Je suis désolé, Sakura. Je suis dans le même cas que les autres. Je ne sais pas qui est Azusa.

– On trouvera une autre solution, lui dit Shaolan qui s’était approché d’elle.

Sakura semblait abattue. Certes, Kéro était de retour, mais la situation était toujours la même pour Azusa.

– Une première piste serait de trouver la raison de la disparition de ta fille, continua Kéro.

– Ca me semble plutôt évident, continua Kaho. C’est Erase qui l’a fait disparaitre, comme le reste de Tomoeda, comme toi.

– Et pourtant, je peux vous assurer que ce n’est pas Erase. Sakura, tu m’as bien dit que tu l’avais capturé ?

– Oui, et tout le monde est revenu. Sauf toi et Azusa.

– Ca ne peut donc pas être Erase. Quand une carte retourne à sa forme originelle, son pouvoir se dissipe, tout rentre dans l’ordre.

– Alors pourquoi as-tu mis six mois à réapparaitre ?

– C’est justement la question que je me pose. Quelqu’un ou quelque chose doit être à l’origine de ma disparition temporaire et de celle de ta fille.

– Peut-être une autre carte ?

– Non, impossible. Quand j’étais perdu dans l’obscurité, j’étais comme enveloppé de magie, mais ce n’était pas une carte, je l’aurais senti. Il y a donc autre chose qui a provoqué ça. Mais je ne sais pas encore quoi.

– Pour un gardien, tu ne sais pas grand-chose, fit remarquer Shaolan.

– Je ne t’ai pas sonné, gamin.

– Qui est-ce que tu appelles gamin ? Ours en peluche.

– Et là, je ressemble toujours à un ours en peluche ? demanda Kéro en reprenant sa forme d’origine.

Perplexe, Sakura les regardait et se mit à sourire.

– Vous me faites rire. C’est bizarre, mais j’ai comme une sensation de déjà-vu quand vous vous chamaillez comme ça. Mais restez un peu sérieux s’il vous plait, c’est de ma fille dont on parle.

– Désolé, Sakura, répondit Shaolan.

– Donc, Kéro, tu dis que ça ne peut pas être une carte de Clow qui a fait disparaitre Azusa.

– Je n’ai rien ressenti de tel.

A la recherche d’une explication

Sakura fit une pause pour réfléchir, quelque chose semblait la déranger. Azusa et Kéro avaient disparu, mais les cartes de Clow n’en étaient pas la cause. Pourtant, il y avait une différence. Tout le monde se souvenait de Kéro, enfin tous ceux qui le connaissaient. Même Shaolan qui ne l’avait jamais rencontré auparavant connaissait son existence. En revanche, personne n’avait de souvenirs d’Azusa à part Sakura. Sa famille, ses amis, ses élèves, ses anciens collègues de travail… aucun d’entre eux ne savaient qui était Azusa. Pour éviter de passer pour une folle, Sakura avait évité de leur poser la question directement, mais elle avait lancé quelques discussions, sur les enfants par exemple. Elle avait même inventé qu’une Azusa, prétendant être une élève au lycée, lui avait rendu visite après son réveil à l’hôpital. Mais à l’évocation de ces sujets, personne n’avait réagi.

Alors qu’elle allait poser la question, Kaho la devança.

– Pourquoi personne ne se souvient d’Azusa ?

– Peut-être parce que… commença Kéro en regardant Sakura d’un air accusateur.

– Ne finis surtout pas ta phrase. Je ne suis pas folle. Pas plus tard que ce matin, je montrais à Tomoyo mon journal intime dans lequel je décrivais avec précision tous les moments passés avec Azusa.

– Non, ce n’est pas ce que je voulais dire Sakura, je sais que tu n’es pas folle. Mais peut-être que ce ne sont pas des souvenirs effacés chez les autres, mais créés dans ta mémoire.

– Comment expliquer qu’ils sont écrits dans mon journal ?

– Uniquement dans ton journal ?

– Oui, c’est bien une preuve.

– Alors je te retourne la question. Comment expliquer qu’ils ont été supprimés partout ailleurs ? Tu te rends compte de la puissance magique qu’il faudrait pour effacer les souvenirs et toutes les preuves d’existence d’une personne ?

Kaho et Shaolan observaient en silence leurs deux compagnons discuter. Ils avaient souvent eu le même débat avec Sakura. Comment être sûr que ce n’étaient pas ses propres souvenirs qui avaient été altérés ?

– J’ai une nouvelle théorie à ce sujet, continua-t-elle. Quand Firey a brulé ma maison, mon journal m’a été rendu intact. Il a été protégé. Je pense que c’est Shield qui l’a protégé, et que Shield a aussi empêché d’effacer Azusa de ma mémoire et de mon journal intime.

– Pourquoi ne lui demandes-tu pas ? proposa alors Shaolan.

– C’est vrai, continua Kéro, invoque Shield, et demande-lui.

Il avait à peine terminé sa phrase, que Sakura était en train d’appeler la carte du bouclier. C’était tellement logique, pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Comme lors de sa capture, Shield apparu sous les traits d’une petite fille en armure, un bouclier à la main. Même si elle ne lui ressemblait pas, Sakura ne put s’empêcher de penser à Azusa en la voyant.

– Bonjour Shield, j’ai une question à te poser, as-tu protégé mon journal intime.

– Qu’est-ce qu’un journal intime ?

– C’est un livre dans lequel j’ai mis par écrit mes plus beaux souvenirs.

Shield réfléchit quelques instants avant de reprendre la parole.

– Je ne me souviens pas avoir fait ça.

Shaolan regarda Sakura avec tristesse. Une piste de plus qui s’envolait.

– Mais… continua-t-elle, mon devoir en tant que carte est de protéger ce qui est précieux. Qu’est-ce qui compte le plus pour toi ?

– C’est Azusa, ce sont mes souvenirs que j’ai d’elle, qui me permettent de continuer à avancer, et l’espoir de la revoir un jour.

– Alors si ce livre contient tes souvenirs, je l’ai probablement protégé pour toi.

Victoire, Sakura reprenait espoir.

– Merci Shield, tu peux reprendre ta forme de carte.

La fillette disparut dans un flot de lumière qui retourna dans la carte que Sakura tenait en main.

– Vous voyez, continua-t-elle. Ma théorie tient la route. Azusa a bel et bien disparu, et quelque chose a effacé les souvenirs que vous aviez d’elle. Est-ce qu’une carte aurait pu faire ça, Kéro ?

– Je t’ai déjà dit, je n’ai pas senti de carte quand j’avais moi-même disparu.

– Je ne te parle pas de ça. Est-ce qu’une carte aurait pu effacer les souvenirs de tout le monde ?

– Erase, c’est quelque chose en son pouvoir.

– Tu te doutes bien que je lui ai déjà demandé. C’est la première chose que j’ai faite le lendemain de ma sortie de l’hôpital. Erase n’y est pour rien.

– Hmmm, quand j’ai disparu, tu avais déjà capturé neuf cartes. Fly, Glow, Wood, Maze, Watery, Windy, Jump, Firey et Shield. A priori, Erase était la suivante. Et ensuite ?

– Ensuite j’ai capturé Sword, Shadow et Earthy.

– Non, aucune de ces cartes n’est capable de faire ça.

– Une carte que je n’aurais donc pas encore capturée ?

– Dans ce cas, il reste Dark, Light, Flower, Thunder, Mirror et…

Kéro se bloqua au moment de finir sa phrase. Il avait trouvé ce qui causait tout ça.

– … et Illusion, termina Shaolan.

– Illusion ? répéta Sakura.

A ce moment, son sceptre qu’elle tenait toujours en main commença à briller, et elle passa dans une sorte de transe, lévitant de quelques centimètres.

– Sakura ! cria Shaolan en la tenant par les deux bras, comme pour l’empêcher de s’envoler davantage.

Souvenirs du passé ou Illusion ?

Sakura se trouvait dans sa chambre, debout, immobile, à côté de son lit, le regard dans le vide. Pas la chambre de la nouvelle maison qu’elle avait achetée, mais son ancienne chambre, dans la maison familiale qui était partie en fumée il y a presque un an déjà. Elle fut tirée de sa torpeur par son père qui l’appelait depuis le rez-de-chaussée.

– Sakura, dépêche-toi, tu vas être en retard.

Elle ouvrit la porte de sa chambre pour sortir, et manqua d’être percutée par Toya qui passait dans le couloir.

– Fais attention où tu vas, petit monstre.

Qu’est-ce qui la perturbait le plus ? Le voir à la maison, ou constater qu’il avait à nouveau 17 ans ? Elle retourna dans sa chambre pour se regarder dans le miroir. Tout comme son frère, elle avait rajeuni, et avait désormais 10 ans. Tout ceci n’était pas normal. Pendant quelques minutes, elle essaya de réfléchir aux raisons de cette cure de jouvence, mais elle semblait irrésistiblement attirée par les appels de son père qui lui demandait pour la seconde fois de le rejoindre. Elle descendit les escaliers et arriva dans la cuisine. Son père avait préparé le petit déjeuner et lui avait servi une assiette.

– Bonjour Papa.

– Bonjour Sakura, j’ai l’impression que le réveil était difficile.

– Ca ne change pas beaucoup de d’habitude, continua Toya. Elle va encore être en retard à l’école.

Sakura répondit en lui faisant une grimace.

– Bonjour Ma…

Elle s’arrêta net. La photo de sa mère, habituellement posée sur un meuble de la cuisine, n’était pas à sa place.

– Maman n’est pas ici ? demanda-t-elle à son père ?

– Elle arrive, elle finit de prendre sa douche.

– Sa… douche ?

– Tu sais, ce que les gens font quand ils sont propres, répondit Toya. Ce que tu n’as pas dû faire ce matin, continua-t-il après s’être rapproché d’elle pour la renifler.

– Mais…

Sakura ne comprenait pas ce qui se passait. Elle fut interrompue par la sonnette de la porte.

– Je vais ouvrir, dit Fujitaka.

Quelques secondes plus tard, il revient avec un jeune homme du même âge que Toya.

– C’est pour toi Toya.

– J’arrive tout de suite, Yuki, répondit-il en se levant. Laisse-moi juste le temps de me brosser les dents.

– Ahah, désolé, je suis en avance. Je me suis réveillé tôt ce matin, pas moyen de me rendormir. Bonjour Sakura, ajouta-t-il.

– Bonjour… Yukito…

Cela faisait des années qu’elle n’avait pas vu le jeune homme se tenant devant elle. En fait, elle ne l’avait même jamais vu. Juste un vague souvenir résiduel, qui semblait lui indiquer tout au fond d’elle, qu’elle le connaissait. Yukito, le meilleur ami de Toya, dont elle était secrètement amoureuse lorsqu’elle était à l’école. Son cœur battait la chamade. Elle était à nouveau à l’école, elle était à nouveau amoureuse de lui. Mais ce n’était pas possible, Yukito ne l’aimait pas. Pas comme elle l’aurait voulu en tout cas. Toya et lui étaient amoureux. Mais pourtant, c’est avec Kaho que Toya faisait désormais sa vie, et ils allaient bientôt se marier. Tout s’embrouillait dans sa tête. Comment pouvait-elle avoir ces souvenirs alors qu’elle n’avait que 10 ans ? Non, elle n’avait pas 10 ans, elle en avait 26. Mais quelque chose l’avait fait rajeunir et était en train de jouer avec ses souvenirs. Elle sentit deux mains se poser sur ses épaules.

– Bonjour ma petite Sakura.

Elle tourna la tête pour voir qui venait d’arriver derrière elle, et fondit en larme.

– Maman, dit-elle en voyant sa mère.

– Mais qu’est-ce qu’il t’arrive, ma chérie ? lui demanda Nadeshiko en la prenant dans ses bras.

– Maman, je suis tellement heureuse de te voir.

– Tout va bien, Sakura ? demanda à son tour Fujitaka.

Elle essuya ses larmes avec un mouchoir que venait de lui tendre Yukito.

– Oui désolée. J’ai… fait un cauchemar cette nuit. J’ai rêvé que tu n’étais plus là, Maman.

– Pourtant, je suis toujours avec toi, ma petite Sakura.

– Mais c’était… tellement réel.

– Oui, c’est le cas de beaucoup de rêves.

Sakura avait complètement perdu pied. La joie d’avoir revu sa mère, d’être à nouveau réuni en famille, avait complètement éclipsé l’incohérence de la situation.

Toya, qui venait de sortir de la salle de bain, prit son sac et sortit de la maison accompagnée de Yukito après avoir dit au revoir au reste de la famille. Laissant ses parents seuls avec ses parents.

– Je dois aller travailler, je peux vous laisser ? Ca va aller, Sakura ?

– Ne t’inquiètes pas mon amour, je vais m’occuper d’elle, tout ira bien. Je vais appeler l’école pour leur dire que Sakura ne se sent pas bien aujourd’hui.

Alors qu’elle avait l’impression qu’il ne s’était passé que quelques secondes, Sakura se trouvait désormais seule dans le salon, assise sur le canapé, serrant toujours le mouchoir de Yukito dans sa main. Sa mère n’était plus là.

– Maman ? Tu es là ?

– Oui, j’arrive dans quelques minutes.

Elle ferma les yeux, inspira profondément pour sentir l’odeur de sa mère qui s’était déposée sur ses vêtements quand elle l’avait serrée dans ses bras. Quand elle les rouvrit, elle la vit devant elle, assise dans un fauteuil, en train d’allaiter un bébé de quelques mois.

– Ta petite sœur avait faim, pour elle aussi c’est l’heure du petit déjeuner.

Sakura le leva, marcha vers sa mère pour observer le bébé. Elle connaissait cette frimousse. Comment l’oublier ?

– Alors ma petite Azusa, c’était bon, tu n’as plus faim ?

Sakura, toujours immobile à côté d’elles, regardait la petite fille.

– Tu veux la prendre ? demanda Nadeshiko. Assieds-toi, je vais la mettre dans tes bras. Voilà, maintient bien sa tête. Tu as de la chance, elle ne pleure pas. Ne t’inquiète pas, tout se passera bien.

Assise dans le fauteuil, Azusa dans ses bras, Sakura se sentait bien. Elle ferma les yeux, profitant du moment présent. Elle souriait.

Quand elle les rouvrit, la pièce tout autour d’elle était en train de changer. Elle tourbillonnait, s’effaçait, pour laisser place à un autre décor. Elle n’était plus dans le salon de la maison de ses parents, mais sur la petite terrasse d’un appartement. Elle était probablement dans les derniers étages. De là où elle était, elle pouvait voir au loin la tour Eiffel. Le soleil brillait, il faisait chaud, c’était l’été. Elle n’avait plus 10 ans, mais 20 ans. La petite fille qu’elle tenait dans ses bras n’avait quant à elle pas changé, elle n’avait toujours que quelques mois.

– Ma petite Azusa, je te retrouve enfin.

Elle l’embrassa tendrement sur le front. La proximité avec sa fille lui faisait peu à peu reprendre conscience de la situation. Les cartes, ses souvenirs perdus, son coma, la disparition d’Azusa. La scène qui se déroulait actuellement, et dont elle était la protagoniste, n’avait aucun sens. Quelques minutes plus tôt, elle était chez ses parents, et sa mère, qui était pourtant morte il y a longtemps, la réconfortait. Maintenant, elle était sur la terrasse d’un appartement parisien, Azusa dans ses bras.

– Tout ceci n’est pas réel.

Elle entendit un bruit de clé qui tournait dans une serrure. La porte d’entrée s’ouvrit, avant de se refermer dans un grand claquement.

– Oups, désolé, les courants d’air, dit la personne qui venait de rentrer.

Sakura se leva de sa chaise et rentra à l’intérieur de l’appartement.

– Je suis rentré, mon amour. Tout s’est bien passé ? Azusa va bien ?

– Ce n’est pas possible, murmura-t-elle. Tout ceci n’est qu’une illusion.

D’un coup, Azusa disparut. Avant même qu’elle n’ait pu voir de qui il s’agissait, la personne qui venait de rentrer s’évapora elle aussi, et l’appartement s’effaça de la même manière que sa maison d’enfance quelques minutes plus tôt.

Retour à la réalité ?

Sakura était de retour au temple Tsukimine. Mais une fois encore, ça ne semblait pas être la réalité. Il n’y avait aucune trace du passage d’Earthy qui avait pourtant causé de gros dégâts au sanctuaire quelque temps plus tôt. Kaho, Kéro et Shaolan étaient aux abonnés absents, il n’y avait pas âme qui vive. Sakura était seule. Au loin, elle vit une lumière vers laquelle elle se dirigea. C’était l’arbre sacré qui s’était mis à briller. Cette fois, elle n’allait pas laisser passer sa chance. Elle sortit son sceptre et commença l’invocation.

– Carte créée par Clow, révèle-moi ta véritable apparence !

La lumière jaillit du cerisier pour prendre la forme d’une petite fille.

– Je sais qui tu es. Je ne vais pas prononcer ton nom, sinon je vais encore me retrouver dans une autre réalité.

– Je suis Illusion, je façonne le monde à ta convenance. J’apaise les douleurs en les masquant, et je crée de la joie.

– Désolée, mais tu n’es pas très bonne à ça. La joie, j’ai du mal à la voir en ce moment. Est-ce toi qui as fait disparaitre Azusa ?

– Non, ta fille a bien disparu, mais je n’y suis pour rien. J’ai juste fait disparaitre son souvenir pour éviter la souffrance.

– Et pourtant, ma souffrance est bien présente, je me souviens de tout. Pourquoi ?

– Tu es la Card Captor, notre future maitresse. Tu es bien plus puissante que moi, je ne peux pas altérer tes souvenirs. Et pour retrouver ta fille, il fallait bien que quelqu’un se souvienne d’elle.

– Tu dis que tu ne peux pas altérer mes souvenirs. Pourtant, j’ai la sensation au fond de moi que tout n’est pas comme ça devrait être. Que ma mémoire me joue des tours, et que j’ai bel et bien oublié certaines parties de mon passé.

– Quand Azusa a disparu, je suis entré en scène, et j’ai effacé toutes traces de son existence. Rien d’autre. S’il te manque d’autres souvenirs, ça doit être antérieur, et une magie bien supérieure à la mienne, et à la tienne.

– Mais qui aurait fait ça ? Et pourquoi ?

– Je n’ai malheureusement pas les réponses à tes questions. Je ne connais qu’une personne avec des pouvoirs supérieurs aux tiens. C’est Clow Read, notre créateur.

– Clow Read aurait fait ça ? Il aurait supprimé mes souvenirs ?

– Pas directement, mais oui, il est fort possible que ça vienne de lui.

– Dans quel but ?

Illusion semblait gênée. Sakura voyait bien qu’elle en savait plus qu’elle ne voulait en dire. Mais elle restait muette.

– Tu ne veux pas me le dire ?

– Désolée Sakura, je ne suis pas autorisée à te parler de ça. Mais sache que nous, les cartes, tout ce que nous faisons, ou tout ce que Clow Read fait, n’a pas pour objectif de nuire mais de protéger.

– Comment retrouver Azusa ? Comment retrouver mes souvenirs ?

– Continue ta quête, capture-nous toutes, et tu seras assez forte pour réaliser tout ce que tu souhaites. Si tu me captures tout de suite, le souvenir d’Azusa sera rétabli en chacun. Mais tu pourras ensuite m’utiliser pour les refaire disparaitre. Ca sera à toi de choisir. A toi de choisir si tu préfères vivre dans la réalité, ou dans une illusion.

– Merci pour tes explications. Je rassemblerai toutes les cartes, et je retrouverai Azusa. Je n’ai pas le choix. C’est ce que j’ai de plus précieux au monde.

– Alors je suis prête, lui dit la carte en souriant.

– Carte de Clow, reprend ta forme originelle, je te l’ordonne !

Dans un nouveau jet de lumière, Illusion retrouva sa forme de carte de tarot, et vint se placer dans les mains de sa nouvelle maitresse. Le monde autour d’elle s’effaça, signe que l’illusion était en train de se dissiper. Elle ferma les yeux, laissant la magie opérer, et ne les rouvrit qu’au moment où elle entendit quelqu’un crier son prénom.

Les explications

– Sakura !

Shaloan, qui tenait Sakura par les bras était la personne qui venait de crier son prénom. Ses deux pieds retouchèrent le sol, mettant fin à sa transe. Dans une main, elle tenait son sceptre, et dans l’autre la carte Illusion qui venait de se matérialiser.

– Tout va bien, Sakura ? demanda Kéro. Pendant quelques secondes, tu t’es mise à flotter dans les airs, tu ne répondais plus, tu ne bougeais plus.

– Quelques secondes ? Pour moi ça a plutôt duré une bonne demi-heure. J’étais transporté dans un autre monde, j’ai eu les explications dont j’avais besoin, et j’ai rapporté quelque chose.

– Oh, tu as capturé la carte ? s’exclama Shaolan.

– C’était donc bien Illusion ? demanda Kaho.

– Oui, c’était bien elle. Tu avais raison, Kéro, les cartes ne sont pas responsables de la disparition d’Azusa. En revanche, c’est bien Illusion qui a effacé tous vos souvenirs. Maintenant que je l’ai capturé, vous devriez vous rappeler des moments passés avec elle.

– De quels souvenirs effacés parles-tu, Sakura ?

– Et bien de l’existence d’Azusa. Quand elle a disparu, j’étais la seule à me souvenir d’elle.

– Sakura, continua Kaho, ça fait six mois qu’Azusa a disparu, nous n’avons rien oublié, c’est un traumatisme pour tous. Quand tu es tombée dans le coma, nous avons retourné ciel et terre pour la retrouver.

Sakura comprenait peu à peu ce qu’il se passait. Illusion avait vraiment bien fait les choses. Sa capture n’avait pas seulement remis Azusa dans la mémoire de tous, mais leurs souvenirs avaient aussi été recréés de manière à garder une cohérence.

– Ce qui montre bien que ça a fonctionné, répondit-elle en souriant.

Elle passa quelques minutes à leur expliquer ce qu’elle venait de vivre, et ce qu’Illusion avait fait.

– Maintenant, il ne me reste plus qu’à capturer toutes les autres cartes. Avec votre aide à tous, je suis sûre que tout se passera bien.

– Tu peux compter sur nous, répondit Shaolan.

– Bon, c’est l’heure de rentrer à la maison. Quand je vais raconter tout ça à Tomoyo, elle n’en croira pas ses oreilles. Et elle sera ravie de te revoir, Kéro.

– Moi aussi, j’ai hâte. J’espère qu’elle va organiser une fête pour mon retour, avec un énorme gâteau.

– On lui demandera. Mais avant de partir, il faut que je remette tout en ordre.

– Que veux-tu dire ? demanda Shaolan.

– Tous les dégâts causés par Earthy, je dois les réparer. Le sanctuaire de Kaho est complètement détruit, et le reste de la ville ne doit pas être mieux. Je devrais pouvoir annuler tout ça avec Erase.

– C’est très gentil Sakura, mais on peut aussi tout laisser comme ça. Les habitants ont probablement cru à un tremblement de terre. Que penseront-ils quand ils verront que tout est réparé ?

– Alors je vais aussi effacer leurs souvenirs avec Illusion.

– Non, Sakura, c’est une mauvaise idée. On ne peut pas jouer avec les souvenirs des gens comme ça.

– Certains ont probablement perdu leur maison. Comme moi quand Firey a réduit la mienne en poussière. Je dois les aider.

– Alors vas-y, mais n’abuse pas trop des cartes, ce n’est pas toujours la meilleure solution.

Sakura invoqua Erase pour remettre la ville en ordre. Même dans sa version transformée, faire tout ce travail lui demanda une énergie considérable. En revanche, pour illusion c’était ensuite un jeu d’enfant de faire oublier la dernière heure aux habitants de Tomoeda.

Retour à la maison

Tout était désormais terminé, et Sakura put rentrer chez elle en compagnie de Kéro.

– Tomoyo, je suis rentrée ! cria Sakura une fois dans la maison.

– J’arrive tout de suite, répondit-elle depuis l’étage.

Dans le salon, Sakura remarqua une photo posée sur un meuble, qui n’était pas là le matin même. C’était la photo prise à la fin du week-end dans la maison de campagne de son arrière-grand-père. Fujitaka, Sonomi, Toya, Kaho, Tomoyo, Sakura… et Azusa. Tout le monde était là. Illusion n’avait pas simplement restauré les souvenirs des personnes, mais aussi les éléments matériels.

– Alors, comment ça s’est passé au sanctuaire ? Kaho était là ? demanda Tomoyo qui venait de descendre.

– Oui, elle était là. C’était assez… mouvementé.

– Mouvementé du genre ? Une carte de Clow ?

– Non, pas une carte de Clow, mais deux cartes ! Earthy et Illusion.

– Super, ça avance. Le jour où on pourra revoir Kéro et Azusa se rapproche de plus en plus.

– En parlant de ça, j’ai une surprise pour toi.

– Salut Tomoyo, ça boume ? dit Kéro en sortant du sac de Sakura.

– Oh… Kéro, tu es de retour ! répondit-elle en le serrant dans ses bras. Mais, comment ça se fait ?

– En capturant Earthy, mes pouvoirs ont été restaurés, et voilà, je suis de retour parmi vous !

– C’est génial, mais où étais-tu passé pendant tout ce temps ?

– Alors ça, c’est plus compliqué. Mais on peut tout t’expliquer.

Kéro et Sakura racontèrent les évènements de la matinée et firent part de leurs pistes à Tomoyo, pendant qu’elle préparait le déjeuner. Tout se confirma, elle aussi se souvenait désormais d’Azusa, dans tous les détails, comme si elle ne l’avait jamais oublié. Tout le monde semblait être au courant de la disparition de la petite fille, comme si Illusion n’avait jamais agi. L’après-midi, les deux amies partirent travailler. Tomoyo au lycée, et Sakura au club de tennis. Elle mit d’ailleurs Kéro au courant de sa nouvelle situation professionnelle, en prenant la peine d’insister sur ce désagréable professeur qui avait pris sa place au lycée.

Mais durant l’après-midi, une chose revenait sans cesse dans l’esprit de Sakura. Le souvenir d’Azusa avait bien été rétabli, mais pour elle, ce n’était pas suffisant. Il restait encore une grande part d’ombre qui obscurcissait son passé, et dont elle n’avait plus le moindre souvenir. Ces sensations, ces réminiscences qu’elle avait depuis son retour à Tomoeda. Tout n’était pas clair, et maintenant qu’elle savait qu’il était possible de restaurer des souvenirs perdus, elle était déterminée à découvrir la vérité.


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