Découpage du chapitre
Un réveil douloureux
Allongée sur son lit d’hôpital, Sakura serrait la main de Shaolan.
– Shaolan, c’est bien toi, tu es revenu, lui dit-elle les yeux pleins de larmes.
Surprise, Tomoyo regarda le garçon pour s’adresser à lui.
– Vous vous connaissez ?
– Non, je vous l’ai dit tout à l’heure. Enfin, je la connais parce que ma mère m’a parlé d’elle, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés.
– Shaolan, tu m’as oublié ? Tu as oublié nos années passées ensemble au lycée ?
– Elle a quand même l’air de vous connaitre, continua Tomoyo. Et en plus, elle vous appelle par votre prénom, d’une manière plutôt familière.
– Je vois ça, mais… Je suis désolé, mademoiselle Kinomoto, vous faites probablement erreur, c’est la première fois que nous nous rencontrons.
Sakura tourna la tête vers son amie.
– Tomoyo, je ne comprends pas, que se passe-t-il ? Tu connais aussi Shaolan, tu ne l’as pas oublié ? Et où est Azusa ? Elle va bien ?
– Azusa ? C’est aussi une ancienne du lycée que j’aurais oublié ?
La réponse de Tomoyo stupéfia Sakura. Comment sa meilleure amie avait-elle pu oublier ?
– Mais… Azusa, ma fille, tu le sais très bien.
– Sakura, tu me fais peur, je ne sais pas de quoi tu parles, répondit-elle, paniquée de voir son amie comme ça. Je ne connais pas ce garçon à qui tu tiens la main, je ne connais pas d’Azusa, et je… enfin tu… n’as pas de fille, Sakura. Je suis ta meilleure amie, tu me l’aurais dit.
Elle se tourna ensuite vers le médecin.
– Docteur, que se passe-t-il ? Pourquoi est-elle comme ça ? Ca n’a aucun sens.
– Je ne sais pas vraiment, c’est probablement le choc du réveil. Les patients qui ont subi un coma sont souvent déboussolés à leur réveil. Ca fait trois mois qu’elle est ici, il faut lui laisser le temps. Ca peut être un choc post-traumatique. Vous m’avez dit qu’elle avait passé plusieurs années à l’étranger, peut-être a-t-elle eu un enfant que vous ne connaissez pas.
– Impossible, elle m’en aurait forcément parlé.
– Et comment connait-elle mon nom ? demanda Shaolan ?
– Peut-être une connaissance qui vous ressemble ? Vous êtes arrivé juste avant son réveil, elle vous aura peut-être entendu parler avec mademoiselle Daidouji.
La situation prenait une tournure imprévue. Tomoyo ne comprenait pas ce qu’il se passait, elle était choquée de voir son amie comme ça. Elle essayait d’obtenir des réponses de la part du médecin, qui malheureusement n’en savait pas beaucoup plus.
Je ne suis pas folle
Sakura murmurait quelque chose d’inaudible. Les personnes dans la pièce se turent pour l’écouter. Elle continua alors d’une voix posée.
– Je ne suis pas folle, je sais ce que je raconte. Je suis Sakura Kinomoto. J’ai un secret que je ne peux pas avouer, sinon les autres personnes me prendraient pour une folle. Tu dois savoir de quoi je veux parler, Tomoyo ?
Elle acquiesça.
– Mon père s’appelle Fujitaka. A mon retour de France, je suis retourné vivre chez lui, puis j’ai déménagé quelques mois plus tard pour avoir notre propre maison, Azusa et moi. Les membres de mon club d’athlétisme nous ont aidés lors du déménagement, l’occasion pour toi d’avoir une longue discussion avec Hikari, un peu plus tard nous avons fait la crémaillère. Cet été, on a fait une croisière, on a été un peu malmené par une tempête assez originale, et nous avons dû rester un jour de plus à Okinawa le temps de faire des réparations avant d’arriver à Hong Kong.
– Elle s’est blessée à la tête lors de ce voyage, précisa Tomoyo au médecin.
– Tomoyo, tais-toi s’il te plait, je ne suis pas folle. Avant ça, nous avons passé un super week-end dans la maison de campagne de notre arrière-grand-père. Azusa était tellement contente qu’on passe du temps ensemble, elle aurait aimé que tu sois sa deuxième maman.
Tomoyo était perplexe.
– Tout ce que tu me décris est vraiment arrivé, Sakura, nous avons fait tout ça, mais… il n’y a pas d’Azusa.
– Je vous ai vu toutes les deux, au port de Hong Kong, continua Shaolan. Mademoiselle Mizuki était venue parler à ma mère avant de repartir avec vous.
– Ah, c’était vous alors le garçon que Sakura observait de loin.
– Dans tous les cas, ça n’explique pas comment vous connaissez mon prénom. Nous n’avons fait que nous apercevoir de loin.
– Nous sommes sortis deux ans ensemble au moment du lycée. Tu es arrivé en première, et à la fin de la terminale, tu es parti sans rien dire. C’est pour ça que j’ai quitté Tomoeda, je ne supportais pas de rester ici.
– Mais Sakura, ce n’était pas lui le garçon avec qui tu sortais au lycée.
– Alors qui était-ce ?
– Et bien, c’était… c’était… je ne sais plus. Je n’arrive plus à m’en souvenir.
– Qui a un problème ici ? Moi qui suis capable de décrire avec précision mes souvenirs ? Ou toi qui n’arrives pas à te rappeler des moments les plus importants de la vie de ta meilleure amie ? Mon amour pour Shaolan était le sentiment le plus puissant que j’ai jamais connu, jusqu’à la naissance d’Azusa.
Désemparée, Tomoyo s’adressa à nouveau au médecin.
– Docteur… Qu’est-ce qu’elle a ?
– Et bien… Je ne connais pas le passé de mademoiselle Kinomoto, mais elle me parait tout à fait lucide, son discours est clair, et elle est bonne santé physique. Quant à ses souvenirs, je ne suis pas capable de dire si tout ceci est arrivé ou non, mais ceux concernant ce jeune homme semblent plus précis que les vôtres. Ecoutez, je vais aller consulter l’avis de mes collègues, peut-être auront-ils des idées.
Le médecin sorti de la chambre.
– C’est une carte de Clow, dit alors Sakura avec assurance.
– Une carte de Clow ? demanda Shaolan.
– Euh non, enfin, je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Tomoyo doit avoir raison, je dois être un peu fatiguée.
– Je sais ce que sont les cartes de Clow, mademoiselle Kinomoto. Ma mère m’a justement envoyé ici pour vous aider à les capturer.
– Ah ouf, j’ai cru que je venais de faire une bêtise.
– Vous pensez donc que c’est une carte de Clow qui vous a ajouté ces souvenirs.
– Non, je pense que c’est une carte de Clow qui a supprimé les vôtres. Mon dernier souvenir, c’est la capture de Erase. Elle vous avait tous effacés, y compris Azusa. C’est forcément lié.
– Sakura…
– Arrête Tomoyo, s’il te plait, crois-moi. Si tu ne le fais pas, qui le fera ? Mais oui, Kéro ! Il doit forcément avoir une explication.
Le visage de Tomoyo s’assombrit.
– Ne me dis pas que tu ne sais pas qui est Kéro ?
– Si Sakura, je sais qui est Kéro. Mais il a disparu. En fait, nous pensons qu’il n’est pas revenu lorsque tu as capturé Erase.
– Comme Azusa ! Ce n’est pas une coïncidence.
– D’accord Sakura, mais je me souviens de Kéro, pas d’Azusa. Comment expliques-tu ça ?
– Je ne sais pas, peut-être parce qu’il est directement lié aux cartes ?
– Et moi alors, comment me connaissez-vous ? demanda Shaolan. Je n’ai pas le souvenir d’être déjà venu ici, ni de vous avoir rencontré, ni même… d’avoir eu une quelconque relation avec vous.
– Quand j’étais endormie, des souvenirs me sont revenus, un peu comme des rêves. Kéro m’a toujours dit que mes rêves étaient importants, qu’ils pouvaient être bien plus réels que je ne l’imaginais, et prémonitoires parfois. Mais Azusa, et toi, Shaolan, vous n’êtes pas des prémonitions, je sais que nous avons vécu des choses ensemble, j’en ai l’intime conviction. Peut-être que ce sommeil m’a permis de réveiller des souvenirs qui étaient enfouis. Tu sais Tomoyo, depuis que je suis revenue à Tomoeda, j’ai souvent eu cette sensation d’avoir oublié des bribes de mon passé. Toi-même, tu n’es pas capable de donner le nom de mon petit ami au lycée ni de t’en souvenir. Tu sais juste qu’il a existé. Tout coïncide trop bien.
Tomoyo ne savait pas quoi répondre. Son amie semblait bien trop sûre d’elle pour pouvoir douter de ce qu’elle disait. Mais en même temps, elle n’avait aucun souvenir de ce dont elle parlait.
Une visite inattendue
Le silence fut brisé par le bruit de quelqu’un qui frappa à la porte. Kaho Mizuki rentra dans la pièce et se précipita vers le lit de Sakura.
– Sakura, tu es réveillée, je l’avais ressenti, je suis venue ici dès que j’ai pu.
– Bonjour, mademoiselle Mizuki, merci d’être venue, ça me fait très plaisir.
– Sakura, je t’ai déjà dit de m’appeler Kaho. Je vais prévenir ton frère, répondit-elle en sortant son téléphone, il sera ravi d’apprendre la bonne nouvelle.
– Ah, vous avez gardé le numéro de mon frère malgré toutes ces années.
A nouveau, le visage de Tomoyo se décomposa. Le téléphone à la main, Kaho se figea, ne comprenant pas ce que Sakura voulait dire par là.
– Mais évidemment que j’ai son numéro. Que veux-tu dire par toutes ces années ?
– Eh bien, vous devez le savoir, il était amoureux de vous quand il était au collège. Mais je ne pensais pas que vous aviez gardé contact après qu’il se soit mis en couple avec Yukito.
– Sakura, je ne… commença Kaho avant d’être interrompue par Tomoyo.
– Je pense que c’est encore un souvenir que toi seule tu as Sakura. Nous ne connaissons pas de Yukito. Ton frère est avec Kaho, ils vont bientôt se marier.
– Vous me faites une blague ? répondit-elle.
Mais elle se rendit vite compte à leur visage qu’ils ne blaguaient pas.
– Mademoiselle Kinomoto, je vous ai dit tout à l’heure que je vous avais vu de loin, au port de Hong Kong, après que mademoiselle Mizuki ait rencontré ma mère. Je n’ai vu que deux hommes dans votre groupe. J’imagine que le plus âgé était votre père, et l’autre votre frère. En retournant vous voir, mademoiselle Mizuki semblait très proche de lui.
– On a bien rencontré un Yukito pendant la croisière Sakura, mais c’est le prénom du petit garçon que tu as sauvé de la noyade quand les cartes nous ont attaquées.
A la mention des cartes, Sakura semblait paniquée. Kaho comprit vite pourquoi elle était dans cet état.
– Sakura, je connais l’existence des cartes. Je t’ai même aidé à capturer Watery et Windy sur le bateau, et je t’ai donné ta première carte, Fly. Qu’est-ce que je faisais avec vous, si ce n’était pour accompagner Toya ? Tu te souviens d’un autre Yukito sur le bateau ?
– Je… Vous avez raison, vous étiez avec nous, Yukito n’était pas là. Je ne comprends pas pourquoi. Yukito et Toya ont commencé à sortir ensemble au lycée, et ils se connaissaient depuis le collège.
– Toya et moi sommes ensemble depuis plusieurs années maintenant, notre relation a commencé peu avant ton départ. Enfin, elle a recommencé si on peut dire. Il ne m’a jamais parlé d’un Yukito. Et je pense que je le saurais s’il aimait les hommes.
– Toya n’aime pas les hommes, il aime Yukito, c’est différent.
– Comme moi, je n’aime pas les femmes, j’aime juste Sakura.
– Ah, donc tu connais Yukito ? demanda Sakura à son amie.
– Non, c’était juste une remarque… comme ça en passant. En tout cas, ça fait trois personnes que tu connais, mais pas nous. Yukito, Azusa, et Shaolan. A la différence près que Shaolan est bien là maintenant. As-tu des souvenirs récents de ces trois personnes ?
– Attendez. J’imagine que vous êtes Shaolan, dit Kaho en se tournant vers le garçon. Le fils de Yelan Li.
– Oui, c’est bien moi.
– Mais qui est Azusa ?
– C’est… compliqué, répondit Tomoyo.
– C’est ma fille. Mais personne ne semble se souvenir d’elle. Et à part elle, c’est vrai que je n’ai aucun souvenir récent de Shaolan et Yukito. Comme je l’ai dit, Shaolan est parti à la fin de la terminale, je ne l’ai jamais revu depuis. Yukito, je sais que je le connais, et qu’il était en couple avec mon frère, mais c’est vrai que je ne sais pas de quand datent mes derniers souvenirs de lui. Probablement la même époque que Shaolan. Par contre, pour Azusa, j’ai des souvenirs des cinq dernières années, puisque c’est son âge.
– Bon, admettons que tu te souviennes de tout, et que ça soit à nous que cette carte joue des tours. Si Azusa existe réellement et qu’elle a cinq ans, ça veut dire que tu l’as eu quand tu étais en France. Qui est son père ?
– Euh… je… je ne sais pas, répondit Sakura d’une profonde tristesse.
Une nouvelle saison
Toujours la main sur celle de Shaolan, Sakura tourna la tête vers lui, suivi de Tomoyo et Kaho.
– Mais arrêtez, je n’y suis pour rien, je vous dis que c’est la première fois que je vous rencontre, et je ne suis jamais allé en France. Et si j’avais une fille, je le saurais, je n’aurais jamais abandonné sa mère.
– Je ne sais pas, mais… c’est une possibilité. Vous avez tous oublié des éléments de notre passé commun, Shaolan, tu as oublié notre histoire au lycée. Peut-être as-tu oublié d’autres choses.
– Ou alors c’est l’inverse, répondit-il. C’est à vous que la carte joue des tours, et ces souvenirs que vous avez sont fictifs.
– Oui, c’est une autre possibilité, répondit Sakura avec tristesse. Nous ne pouvons pas le savoir. Il faudrait retrouver Kéro, il pourrait nous aider.
– Et comment on s’y prend ? demanda Kaho.
– Il faut continuer à capturer les cartes. Je suis venu pour ça, je vous aiderai. Quand les cartes seront réunies, Yué apparaitra pour juger si mademoiselle Kinomoto est apte à devenir la nouvelle maitresse des cartes. Il est fort probable que Kéro soit là aussi. Les deux gardiens, réunis pour l’ultime épreuve.
– Yué… ce nom me dit quelque chose, dit Sakura, pensive.
– C’est certainement Kéro qui l’a mentionné. A cause de mes pouvoirs lunaires, il pensait que j’étais Yué, il a dû t’en parler.
– Non, c’est autre chose. Si Kéro m’en avait parlé, je le saurais. Mais à son évocation, ce nom ne m’est pas étranger.
– C’est donc le retour de Card Captor Sakura ! cria Tomoyo pleine de joie. La saison deux !
Voyant que Sakura ne rigolait pas, Tomoyo comprit vite son erreur.
– Pardon Sakura, je n’avais pas pensé à Azusa. Nous n’avons aucun souvenir d’elle, mais pour toi c’est différent. La capture des cartes est d’autant plus importante.
– Ne t’inquiète pas Tomoyo, je ne t’en veux pas. Tu sais, ça ne sera pas la première épreuve que je traverse…
Après un moment de silence, Tomoyo reprit la conversation.
– Je vais y aller, Sakura. En partant, je vais me renseigner auprès du médecin pour savoir ta date de sortie. Je vais tout préparer pour ton retour. On se revoit très vite, je continuerai à passer tous les jours jusqu’à ce que tu sois prête à rentrer.
Tomoyo l’embrassa sur la joue et sortit de la chambre. Elle fut suivie de peu par Shaolan, qui s’adresse à Sakura avant de partir.
– Au revoir, mademoiselle Kinomoto, quand vous irez mieux nous pourrons partir à la recherche des cartes.
– Shaolan, attends. Je sais bien que tu n’as aucun souvenir de moi, que je ne suis qu’une étrangère à tes yeux, mais s’il te plait, ne sois pas aussi formelle avec moi, et appelle-moi juste Sakura.
– Euh, d’accord… Sakura. A bientôt.
La tristesse de Tomoyo
En dehors de la pièce, Shaolan vit Tomoyo en train de pleurer dans le couloir.
– Vous allez bien, mademoiselle Daidouji ?
– Non, ça ne va pas. Je pense à ce que doit endurer Sakura. Soit elle imagine tout ça, et c’est terrible pour elle. Soit ce n’est pas son imagination, et dans ce cas c’est encore pire, ça veut dire qu’elle a réellement perdu sa fille. Je ne peux même pas imaginer ce qu’elle doit ressentir.
– Mais vous allez l’aider à surmonter tout ça. Vous êtes bien sa meilleure amie ? Vous trouverez les mots pour la réconforter et faire en sorte qu’elle aille mieux. Et de mon côté, je vais l’aider à récupérer les dernières cartes. C’est la meilleure piste que nous avons pour le moment. Et de toute manière, j’étais déjà venu pour ça au départ.
– Merci, vous êtes gentil. On ne se connait pas, mais si les souvenirs de Sakura sont réels, ça ne m’étonne pas qu’elle vous ait choisi.
– Je dois vous avouer la vérité. Quand je vous ai vu à Hong Kong, après votre croisière, j’ai ressenti quelque chose en regardant Sakura. Comme si je la connaissais déjà, et la tristesse de la voir s’éloigner sans avoir pu lui parler. Je ne sais pas s’il y a un sens à ça, mais moi aussi j’ai besoin d’en savoir plus.
– Hihi, vous l’avez appelé Sakura.
– Ah oui, elle m’a demandé de l’appeler comme ça juste avant de quitter sa chambre. Je me suis dit que ça pourrait l’aider.
– Peut-être qu’on peut faire pareil, Shaolan ?
– D’accord Tomoyo.
Kaho qui était restée dans la chambre continua à discuter avec Sakura pendant un moment. Au fur et à mesure qu’elle lui parlait de Toya, ça devenait évident pour elle qu’ils étaient ensemble. Elle le savait, et se souvenait parfaitement de ce qu’ils avaient fait tout au long de l’année passée. Malgré tout, elle ne pouvait enlever Yukito de son esprit. Le garçon qui avait partagé la vie de son frère pendant quelques années. Elle aussi en était d’ailleurs amoureuse lorsqu’elle était à l’école. Elle ne se souvenait pas de tout, les années avaient passé, mais Yukito était bien présent. Il vivait seul avec ses grands-parents, elle le croisait souvent sur le chemin de l’école, il venait souvent à la maison pour voir Toya. Il adorait manger et avait un appétit monstrueux, un peu comme elle. Oui, c’est sûr, elle en était probablement tombée amoureuse. Mais, quel que soit l’amour qu’elle avait pu ressentir pour lui, ça n’égalait pas celui qu’elle portait à Shaloan, même encore aujourd’hui.
Avant de partir, Kaho tenta de la rassurer sur la suite.
– Tu sais Sakura, je t’ai vu réaliser des exploits face aux cartes. Ca prendra le temps qu’il faudra, mais je suis sûre que tu réussiras à toutes les capturer. A ce moment-là, Kéro et Yué seront présents, et ils pourront nous donner des explications sur ce qui est en train de se passer. Tu verras, tout ira bien.
Retour à la maison
Trois jours plus tard, Sakura avait eu l’autorisation de quitter l’hôpital, et Tomoyo s’était chargée d’organiser son retour. Une fois de plus, elle avait tout prévu.
– Je t’ai ramené des vêtements Sakura, tu ne peux pas sortir de l’hôpital habillée comme ça.
– Super Tomoyo, merci beaucoup. C’est vrai que ce pyjama d’hôpital, même s’il était très pratique, n’est pas de dernière fraicheur. Tu sais où sont les vêtements que j’avais en arrivant ?
– Sakura, tu ne te souviens pas non plus ? Quand tu as perdu connaissance, tu étais nue, tu as été transportée comme ça à l’hôpital.
– Woé !? Mais c’est horrible, tout le monde m’a vue toute nue ? répondit Sakura, à la fois paniquée et gênée.
Tomoyo avait du mal à rester sérieuse, et au bout d’un moment elle ne put s’empêcher de rire.
– Mais non Sakura, je rigole. On a ramené tes vêtements chez toi. Tu étais parfaitement présentable en arrivant. Tes « woé » m’avaient manqué.
– Est-ce que tu sais si Shaolan va venir ?
– Je ne pense pas, malheureusement. Je te rappelle que pour lui, il ne t’a rencontré qu’il y a quelques jours.
– C’est vrai, dommage, je me sens bien quand il est là.
– Tu auras tout le temps de renouer des liens avec lui plus tard.
– Tu n’es pas jalouse au moins ?
– Terriblement, mais je t’ai déjà dit, ce qui compte pour moi, c’est que tu sois heureuse.
Leur discussion fut interrompue par un infirmier qui entra dans la chambre avec un fauteuil roulant.
– Bonjour, dit-il. Je viens pour vous accompagner jusqu’à votre voiture.
– Hmm, je ne pense pas avoir besoin de ça, je peux marcher toute seule. Regardez, lui dit-elle en sautillant et faisant quelques pas par terre.
L’infirmier se tourna vers Tomoyo pour avoir son avis.
– Je veille sur elle, ne vous inquiétez pas, merci.
L’infirmier sortit de la chambre, suivi par Tomoyo qui attendit dehors pendant que Sakura se changeait. Une fois prête, elles partirent toutes les deux à l’accueil pour signer les papiers de sortie. Dehors, une voiture les attendait. Les gardes du corps de Tomoyo étaient là, prêtes à les emmener où elles le souhaitaient.
Fujitaka voulait que sa fille revienne vivre chez lui, dans sa nouvelle maison, à sa sortie de l’hôpital, mais Sakura avait refusé. Elle voulait retourner dans la sienne. Il avait alors insisté pour qu’au moins quelqu’un habite avec elle le temps d’être sûr que tout aille bien. Evidemment, Tomoyo s’était proposée, et Sakura avait accepté. Elles allaient donc vivre en collocation pendant quelque temps.
Surprise
Arrivée devant la porte, Sakura paniqua.
– Mes clés, Tomoyo, j’ai perdu mes clés, comment on va faire ?
– Je t’ai dit que je m’occupais de tout. C’est moi qui ai tes clés. Je suis déjà venue hier pour m’assurer que tout était en ordre.
– Heureusement que tu es là.
– Je serai toujours là pour toi Sakura.
En ouvrant la porte de chez elle, quelle surprise ! Toute sa famille et ses amis étaient là pour lui souhaiter un bon retour à la maison. Il y avait son père évidemment, Toya, Kaho et même Sonomi. Ses amis d’école étaient présents aussi, Chiharu et Takashi, Naoko, et même Rika qui était venue avec monsieur Terada. Tous ses élèves du club d’athlétisme étaient là, tous les huit. Etant fin mars, la rentrée n’avait pas encore eu lieu, ils avaient donc pu profiter de leurs vacances pour accueillir Sakura. Et enfin, il était là, Shaolan. Tomoyo s’était bien jouée d’elle en lui disant qu’il ne viendrait pas. Mais la surprise en était d’autant plus grande.
Tout le monde était silencieux et fixait Sakura. Ils ne disaient rien, comme s’ils avaient peur de trop la bousculer après sa sortie de l’hôpital.
– Je suis de retour, dit-elle en agitant les mains.
C’est Toya qui s’avança en premier pour serrer sa petite sœur dans ses bras.
– Ravi de te revoir parmi nous. Tu nous as vraiment fait peur cette fois.
Tour à tour, les autres s’approchèrent pour enlacer, embrasser, saluer Sakura. Ca lui faisait chaud au cœur de voir qu’autant de monde était venu pour elle.
– Merci à tous d’être venus, vous êtes géniaux.
Pendant que Sakura discutait avec tout le monde, les gardes du corps de Tomoyo sortaient du coffre de la voiture des cartons remplis de nourriture. En effet, Tomoyo avait prévu un buffet pour l’occasion : toasts, petits fours, sushis, yakitoris et autres amuse-bouche.
Ses élèves étaient pressés que Sakura revienne au lycée. Malheureusement, elle ne s’en sentait pas encore capable.
– Vous savez, j’ai peut-être passé trois mois à dormir, mais ce n’est pas pour autant que je me sens reposée. Ne vous inquiétez pas, je vais revenir, mais j’ai besoin d’un peu de temps pour me remettre.
Gôsuke et Yukiko avaient terminé leur dernière année de lycée, et étaient prêts à rentrer à l’université. De nouveaux membres devaient donc être recrutés, « Ne nous inquiétez pas, je vais m’en occuper » avait spontanément dit Nanami. Sakura était sûre qu’elle se proposerait, et qu’elle arriverait à ramener du monde. Déjà l’année passée, elle avait réussi à recruter plusieurs personnes, volontairement ou sous la menace pour certains. L’équipe serait rapidement complète.
C’était la première fois qu’elle voyait monsieur Terada et Rika ensemble, et elle était contente de voir que tout semblait bien se passer entre eux. Malgré la différence d’âge, ils formaient un très beau couple. Les vieilles habitudes ne se perdaient pas, Naoko essayait de faire peur à Sakura en lui racontant des histoires de fantôme, et Takashi leur raconta l’incroyable histoire des sushis.
– Mais tais-toi donc, idiot, lui dit Chiharu en le frappant. Qui pourrait croire que les sushis poussent dans les arbres. Même Sakura n’y a pas cru cette fois.
Tomoyo présenta Shaolan au reste du groupe. Sakura les observait attentivement pour voir leurs réactions. Le test ne fut pas concluant, aucun d’eux ne laissait penser avoir des souvenirs de Shaolan. Sakura était bien la seule. Mais en voyant toute la bande du lycée réunie, ça ne faisait aucun doute que ses souvenirs étaient bien réels. Elle savait qu’ils avaient l’habitude de tous se retrouver comme ça quand ils étaient plus jeunes, et dans ses souvenirs, Shaolan était là.
Les retrouvailles avec sa famille furent beaucoup plus rapides puisqu’elle les avait déjà vus à l’hôpital. En effet, dès son réveil, Kaho avait appelé tout le monde, et ils étaient tous venus lui rendre visite successivement. Il ne manquait que deux personnes à l’appel, Kéro et Azusa. En dehors de Kaho, Tomoyo et Shaolan, elle n’en avait évidemment parlé à personne. Elle portait ce poids dans son cœur, continuant malgré tout à faire bonne figure.
Fin d’une journée éprouvante
Au bout d’un moment, Sakura s’endormit tout simplement sur le canapé, laissant ses invités discuter entre eux. Comme on pouvait s’y attendre, Tomoyo fut une hôte remarquable, s’assurant que le reste de la soirée se passe pour le mieux, avec évidemment l’aide de ses gardes du corps. Une fois les invités partis, Tomoyo s’installa sur le canapé à côté de son amie, posant la tête sur son épaule.
– Merci d’être là pour moi, lui dit Sakura qui ne dormait finalement pas.
– Mais ça fait longtemps que tu es réveillée ?
– Je n’ai jamais vraiment dormi, j’étais juste un peu fatiguée de discuter avec tout le monde. Mais je ne voulais pas les faire partir, donc je me suis installée ici, prétendant dormir.
– Je comprends. Moi aussi je suis fatiguée, j’ai installé mes affaires dans la chambre d’ami, je monte me coucher. Bonne nuit ma petite Sakura.
Quelques minutes plus tard, Sakura monta à son tour à l’étage. Arrivée sur le palier, elle vit la porte de la chambre du fond entre-ouverte.
– Azusa ? Tu es revenue ? cria-t-elle en se précipitant dans la chambre.
A l’intérieur, Tomoyo en petite tenue était en train de se changer.
– Oh, désolé, dit aussitôt Sakura en se retournant.
– Voyons Sakura, ce n’est pas la première fois que tu me vois comme ça. Tu as aussi oublié ce qu’il s’est passé entre nous avant ton admission à l’hôpital ?
– Quoi ? demanda Sakura toute gênée.
– C’est bon, je suis en pyjama, tu peux te retourner.
Quand elle fit à nouveau face à Tomoyo, cette dernière ne put s’empêcher d’éclater de rire, comme quelques heures plus tôt à l’hôpital.
– Désolé Sakura, c’était une blague pour détendre l’atmosphère. J’imagine que dans tes souvenirs, cette chambre était celle d’Azusa.
– Oui, c’est ça.
– Dans les miens, c’était une chambre d’ami, j’y ai déjà passé quelques nuits. Mais peut-être que tu préfères que je dorme ailleurs ?
– Non, c’est bon, tu peux dormir ici. Bonne nuit Tomoyo.
A peine fut-elle sortie de la chambre, qu’elle réapparut aussitôt.
– En fait… Est-ce que tu peux dormir avec moi cette nuit s’il te plait ? En tout bien tout honneur évidemment !
– Bien sûr Sakura. Ne t’inquiète pas, ce n’est pas la première fois qu’on dort ensemble. Et cette fois, c’est la vérité.
Pour cette première nuit à la maison, les deux amies partagèrent donc le même lit, permettant à Sakura de dormir paisiblement. Même si sa fille avait disparu, sa meilleure amie était là pour elle. Mais il n’était pas question de se laisser abattre, elle allait tout donner pour capturer les cartes restantes, faire revenir Kéro, comprendre pourquoi tous ses proches avaient perdu leurs souvenirs, et retrouver Azusa.