Découpage du chapitre
La famille Li
Hong Kong, résidence des Li, trois mois plus tôt.
Installée dans les hauteurs de Hong Kong, sur Victoria Peak, la demeure de la famille Li surplombait la ville. Une maison au style colonial hongkongais, très loin des tours immenses qui peuplaient désormais la ville.
La maison, sur deux étages, était vraiment immense et disposait de vastes et nombreuses pièces, beaucoup plus que nécessaire pour héberger toute la famille Li.
Au cours des dernières années, un bon nombre d’investisseurs avaient tenté de racheter la maison pour en faire un hôtel de luxe, mais Yelan Li, la matriarche de la famille Li, avait toujours repoussé les avances. Il n’était pas question que cet héritage familial tombe aux mains d’hommes d’affaires voulant accroitre leur fortune. Tant qu’elle et ses enfants seraient de ce monde, il en resterait ainsi.
A l’arrière de la maison, un jardin composé d’arbres tropicaux et d’un bassin central.
Etant construite dans les hauteurs, l’extrémité de la propriété offrait une vue imprenable sur la ville.
Habituellement calme, le silence était perturbé par quelques cris typiques des arts martiaux, et le bruit de sabre en bois s’entrechoquant. Au centre du bassin, sur une plateforme flottante en bois d’environ dix mètres carrés, deux personnes, le visage masqué par un casque de kendo, étaient en train de combattre. La plateforme n’étant pas fixe, ne faisant que flotter sur l’eau, l’équilibre était d’autant plus important. Le moindre mouvement non maitrisé pouvant entrainer une chute dans le bassin.
Il n’était pas simple de dire qui menait le match. Mais la précision des coups donnés, l’assurance au combat, et l’aisance des mouvements permettaient facilement de savoir qui était le maitre et qui était l’élève. Suite à un échange de coups, l’un d’eux effectua un blocage. Puis, au lieu d’effectuer une contre-attaque classique, il libéra l’une de ses mains de la poignée du sabre, la plaça sur le ventre de son adversaire, qui fut alors éjecté de la plateforme.
Dans le bassin, le jeune homme enleva son casque et s’adressa à son adversaire.
– Wei, vous avez triché ! Vous n’avez pas le droit d’utiliser la magie dans un match de kendo.
– Monsieur Li, nous ne sommes pas dans un match officiel ni dans une compétition. Tous les coups sont permis. Les arts martiaux ne sont art que lorsqu’ils sont encadrés. Lors d’un combat réel, votre adversaire ne vous demandera pas votre permission pour vous envoyer au tapis.
– Un adversaire lambda n’utilise pas la magie.
– Les descendants de Clow Read n’ont pas des adversaires lambdas. Les vôtres utiliseront tous les moyens possibles pour gagner. Et les cartes ne pratiquent pas les arts martiaux, mais bien la magie.
– Recommençons.
Le garçon se hissa sur la plateforme, et avant même qu’il ait pu se stabiliser, son adversaire lui donna un coup dans les jambes pour lui faire perdre l’équilibre. Il tomba dans l’eau pour la seconde fois.
– Wei ! Je… Vous avez raison, dans un combat réel, un adversaire n’attendrait pas que je sois remis sur pied, ajouta-t-il avant même que l’autre personne ait répondu.
Le jeune homme était immobile dans l’eau. Sur la plateforme, Wei le regardait, curieux de ne pas le voir bouger.
Soudainement, des colonnes d’eau surgirent de part et d’autre du bassin, prêtes à s’abattre sur l’adversaire qui se tenait au milieu de la plateforme.
– Hoho, dit-il, voyant la fin du combat arriver.
Alors que le garçon s’apprêtait à terminer son attaque, il fut interrompu par quelqu’un qui venait d’approcher du bassin.
– Shaolan, dit la jeune fille, Maman veut te parler.
– Pas maintenant, Fuutie, je suis occupé.
– Elle a dit que c’était très important, continua une autre fille.
– Faren, laisse-moi quelques minutes, nous avons bientôt terminé.
Une troisième fille, d’apparence identique aux autres, à la coupe de cheveux près, arriva à son tour.
– Quand Maman dit maintenant, tu sais très bien que ça veut dire qu’elle n’a pas envie d’attendre.
– Laisse-moi, Feimei, je dois prendre ma revanche sur Wei.
– C’est à propos de Sakura Kinomoto, ajouta une dernière fille.
Les colonnes d’eau disparurent dans l’eau du bassin, évitant à Wei de recevoir l’attaque.
– Qu’est-ce que tu as dit, Shiefa ?
– Sakura Kinomoto, la chasseuse de carte, il s’est passé quelque chose de grave.
Shaolan sortit de l’eau et partit en direction de la maison. Wei retira son casque et le suivit dans la maison.
A l’intérieur, Yelan Li venait de raccrocher le téléphone.
– Shaolan, tu es trempé, tu aurais pu prendre le temps de te changer.
– Désolé, Mère, mes sœurs m’ont dit que c’était très important, j’ai fait au plus vite. Vous aviez quelque chose d’urgent à me dire ?
– La chasseuse de carte, Sakura Kinomoto, il s’est passé quelque chose. Cela va faire trois mois qu’aucune carte n’a été capturée. Kaho Mizuki vient de me dire que Sakura Kinomoto était dans le coma suite à la capture de Erase. Les médecins ne savent pas quand elle reprendra connaissance. Pendant ce temps, personne ne s’occupe des cartes, si on tarde trop, le fléau risque de s’abattre sur elle et ses amis.
– C’est une carte qui lui a fait ça ? Mais… c’est impossible.
– Effectivement, les cartes ne sont pas censées envoyer quelqu’un dans le coma, il y a forcément autre chose. Il faut que tu y ailles. J’ai déjà pris ton billet, tu pars demain.
– Demain ? Déjà ? C’est soudain.
– Oui, mais il ne faut pas perdre plus de temps. Il faut que tu trouves quelle est l’origine de ce coma, et évidemment que tu captures les cartes à sa place si elle ne se réveille toujours pas.
– Très bien.
– Wei, j’ai aussi pris un billet pour toi. Tu accompagneras Shaolan au Japon.
– Madame Li, si je puis me permettre, je ne pense pas que Shaolan ait vraiment besoin de moi. C’est un… grand garçon maintenant, je n’ai plus rien à lui apprendre. Il faut juste qu’il travaille son instinct.
– Ne vous inquiétez pas, Mère, j’y arriverai seul.
– D’accord, tu iras seul. Les cartes sont l’héritage de Clow, il faut les préserver à tout prix, mais il faut aussi s’assurer qu’elles ne causent aucun dégât.
Shaolan s’inclina devant sa mère et devant Wei, puis partit en direction de sa chambre.
– Il ne se souvient vraiment de rien ? demanda Wei à Yelan.
– Rien du tout. Même s’ils ont partagé de nombreuses choses ensemble, et se sont côtoyés pendant de nombreuses années, il ne se souvient de rien. Mais tôt ou tard, ses souvenirs finiront par ressurgir. Et quand ils reviendront, ça sera soit une bénédiction, les souvenirs d’une vie heureuse passée et à venir, soit il ruminera la perte de ces années que rien ne saura jamais rattraper.
– C’est tragique.
– C’est là la vraie nature du fléau. C’est la destinée de Shaolan et Sakura d’être ensemble, mais cette même destinée empêche l’accomplissement de leur mission.
– Je ne connais pas Mademoiselle Kinomoto, mais j’ai confiance en Monsieur Li. Je ne sais pas non plus ce qu’il s’est passé avant, en tout cas je ne sais que ce que vous m’avez raconté, mais Monsieur Li a beaucoup progressé. Cette fois, ils y arriveront.
Un cauchemar récurent
Tomoeda, maison de Sakura, présent.
6h30, Tomoyo fut réveillée par des cris venant de la chambre à côté de la sienne. L’esprit encore embrumé par ce réveil soudain, elle se précipita néanmoins vers la chambre de son amie.
Dans son lit, Sakura se débattait, marmonnant des mots que Tomoyo n’arrivait pas à comprendre, ponctués par des « non » très distincts.
– Sakura, réveille-toi, lui dit-elle doucement en la prenant dans ses bras. Tu fais encore des cauchemars.
La tête contre la poitrine de son amie, Sakura s’apaisa peu à peu.
– Tomoyo, dit-elle en pleurant.
– Ca va aller Sakura, je suis là pour toi. Toujours le même rêve ?
– Oui, toujours le même. Je n’en peux plus, je ne sais pas pourquoi ça arrive. Kéro m’avait déjà dit que mes pouvoirs de chasseuse de cartes pouvaient me faire faire des rêves prémonitoires, mais ça n’avait jamais été si fréquent, si intense, et si bouleversant. Je veux que tout s’arrête.
Depuis sa sortie de l’hôpital, Sakura faisait régulièrement le même cauchemar, annonciateur de malheur.
C’était la nuit, d’après le paysage environnant, Sakura était à Tokyo, reconnaissable à la tour du même nom dans l’arrière-plan, qui illuminait l’obscurité. Elle était accompagnée de plusieurs personnes. Elle avait clairement reconnu Kéro sous sa forme de gros lion jaune, ainsi que Shaolan, désormais de retour. Il y avait aussi deux autres personnes qu’elle ne connaissait pas. Son rêve étant récurent depuis plusieurs semaines, elle avait fini par déterminer de qui il s’agissait. L’un de deux était Yué, l’autre gardien de Clow dont Kéro avait déjà parlé plusieurs fois, mais aussi le juge qui devait déterminer si la Card Captor était apte à devenir la nouvelle maitresse des cartes. Ces cauchemars l’avaient aidé à se souvenir qu’elle l’avait déjà rencontré auparavant, mais le contexte restait encore assez flou. Néanmoins, Yué ne semblait pas être là en tant que juge, mais en tant qu’allié pour Sakura. L’autre personne n’était autre que Clow lui-même. Il était très différent de ce que Kéro lui avait décrit. Ce n’était pas un homme d’âge mûr comme elle l’avait imaginé Sakura, mais un jeune garçon du même âge qu’elle. Mais elle en était sûre et certaine, c’était bien Clow Read. La magie qui émanait de lui ne laissait pas place au doute.
Tous les quatre combinaient leurs forces pour combattre leur adversaire, qui de son côté était seul. Sakura ne savait pas qui cette personne pouvait bien être. Son visage était caché sous une capuche, et même quand son visage était dégagé, elle ne parvenait pas à distinguer ses traits. Le combat tournait à son avantage. Même à cinq contre un, ils n’étaient pas suffisamment puissants pour le vaincre. Grièvement blessé, Shaolan tomba le premier face à cet ennemi. Sakura le tenait dans ses bras, pendant que le combat continuait avec Clow et ses deux alliés. Malheureusement, le grand Clow Read fut à son tour vaincu par l’ennemi. Mais contrairement à Shaolan qui semblait « seulement » blessé, toute vie avait quitté le corps de Clow. Le plus grand sorcier que la Terre ait connu, vaincu par un ennemi non identifié. C’est devant ce flot d’émotions que Sakura se réveillait toujours, terrifiée par la mort de Clow, et l’état dans lequel se trouvait Shaolan.
Elle vivait désormais dans la peur de voir ce cauchemar se réaliser. Ces évènements à venir s’ajoutaient à la peine d’avoir perdu Azusa, dont personne ne se souvenait à part elle.
– Tu as découvert de nouvelles choses ? demanda Tomoyo à son amie.
– Non, le cauchemar s’arrête toujours au même moment. Je n’en sais pas plus. Je ne veux pas en savoir plus.
– Ignorer les problèmes ne les réglera pas, Sakura.
– Ne t’inquiète pas pour ça, je ne les ignore pas. Je peux t’assurer que je les ai constamment en tête. Mais plus j’y pense, plus mon cœur s’obscurcit. Je vais devenir folle si j’y pense en permanence. La seule chose qui me rend heureuse, c’est de passer du temps avec toi. Alors quand nous sommes ensemble, je préfère discuter d’autres choses.
– Je voulais juste te rappeler que si ça ne va pas, tu peux me parler. Je suis là aussi pour les mauvais moments, pour t’aider à porter ce poids. Tout le monde est là pour toi.
– Je le sais. Merci, Tomoyo.
– Alors ce qui te rend heureuse, c’est de passer du temps avec moi ? lui demanda-t-elle sur un ton enjoué.
– Evidemment, tu es ma meilleure amie, depuis toujours.
– Et c’est vraiment tout ce qui te rend heureuse ?
– Manger me rend heureuse aussi.
– Je ne parle pas de ça. Raconte-moi plutôt ton premier rendez-vous hier avec Shaolan !
Sakura et Shaolan
– Ah oui, mais tu sais, pour moi ce n’est pas un premier rendez-vous. C’était d’ailleurs assez étrange, le premier pour lui, alors que moi je me souviens de tant de choses. Mais il est comme dans mes souvenirs. Toujours aussi maladroit dans ses intentions. Mais je ne sais pas s’il est comme à l’époque, timide, ou s’il n’a réellement aucun sentiment pour moi pour le moment.
– Laisse-lui le temps. Tu l’as dit toi-même, il n’a pas les mêmes souvenirs que toi.
– Je sais bien, c’est juste un peu frustrant.
– Et sinon, qu’est-ce que vous avez fait ?
– On est allé à Odaiba. Et en fait, je me suis rendu compte que je n’y étais pas encore allé depuis mon retour au Japon.
– Et alors, tu as vu du changement ?
– Oui, ce n’est plus le même Gundam ! Et cette fois-ci, il bouge. Il n’a pas l’air prêt pour courir le 100 mètres, mais il bouge. Il faudra que je le montre à Azusa plus tard.
Chaque fois que Sakura évoquait le nom de sa fille, Tomoyo avait un pincement au cœur, de ne pas pouvoir partager ce qu’elle ressentait. Et en même temps, elle saluait l’optimisme dont faisait preuve son amie.
– Dis donc, c’est romantique d’aller voir le Gundam pour un rencard.
– C’est surtout Shaolan qui voulait y aller. Il ne l’avait jamais vu. On a aussi visité le teamlab, c’était une nouvelle exposition. Trop beau, comme toujours.
– Oui, c’est super, on y était déjà allé au lycée avec les copines, et j’y suis retourné aussi il y a quelques années.
– Le soir, on est allé manger dans un restaurant à Venus Fort.
– Restaurant italien ?
– Evidemment. On ne va pas là-bas pour manger des sushis.
– Tu as eu l’occasion de visiter l’Italie quand tu étais à Paris ?
– Oui, j’y suis allé une fois, pour les vacances. C’était très bien. Rien à voir avec Venus Fort, c’était beaucoup plus beau. Ca fait très cliché, mais j’ai passé la moitié de mon voyage à manger des pizzas.
– Tu y étais seule ?
– Non, j’y suis allé avec Azusa. Mais elle était petite, je ne suis pas sûre qu’elle s’en souvienne.
Même si Tomoyo accordait toute sa confiance à Sakura, elle avait toujours du mal à assimiler le fait qu’elle ait eu une fille dont personne ne se souvenait à part elle. Elle en parlait tellement naturellement que Tomoyo ne pouvait remettre sa parole en doute.
– Et donc, ce restaurant avec Shaolan ?
– C’était très bon.
– Je ne parle pas de ça, Sakura. Ca concluait votre journée, il s’est passé des choses en particulier ?
– Non, je t’ai déjà dit. On va dire que pour le moment, mes sentiments sont à sens unique. Mais il a été très gentil, nous avons beaucoup discuté. On a essentiellement parlé des cartes, de la magie, mais il m’a aussi raconté sa vie à Hong Kong. Il vit dans une grande maison avec sa mère et ses quatre sœurs, ce sont des quadruplées. Il s’entraine souvent avec Wei, son majordome, qui est aussi le cousin de sa mère.
– Quelle sorte d’entrainement ?
– Les arts martiaux, et aussi la maitrise de la magie.
– Genre Harry Potter ?
– Hmmm, il ne m’a pas vraiment présenté les choses de cette façon. Il s’entraine à maitriser les éléments, comme le feu, la foudre, le vent, à l’aide de talismans.
– C’est fou quand même, le nombre de personnes ayant des aptitudes à la magie autour de toi. Mademoiselle Mizuki, Kéro, maintenant Shaolan.
– Il parait que les personnes avec des prédispositions attirent d’autres personnes ayant ces mêmes prédispositions.
– Et tu sais d’où viennent ses pouvoirs ?
– Il m’a dit que c’était dans la famille, une sorte d’héritage. Tu sais, Shaolan a toujours été très mystérieux, il parle peu.
– J’aurais aimé dire que je savais, mais…
– Ah oui… c’est vrai que vous ne vous souvenez pas non plus de lui. En tout cas, dans mes souvenirs, il était comme ça. Renfermé, froid au premier abord, mais un grand cœur, toujours prêt à aider ses proches et les gens qu’il aime. C’est bizarre, je suis incapable de te raconter un moment précis où il était comme ça, mais je sais juste qu’il l’était.
– Vous allez vous revoir ?
– Oui, certainement. De toute manière, il doit m’aider dans la recherche des cartes de Clow, et je lui ai aussi demandé de m’aider à maitriser mes pouvoirs. Mais j’espère bien qu’on pourra se revoir dans un contexte plus personnel.
– Aaah, c’est trop mignon de te voir comme ça ma petite Sakura.
– Me voir comment ?
– Amoureuse, pardi !
Sakura rougit d’un coup, gênée d’entendre sa meilleure amie lui dire ça. C’était peut-être rapide, mais pour elle, ces sentiments n’étaient que la suite de tout ce qui s’était passé lorsqu’ils étaient au lycée et qu’elle avait rencontré Shaolan. Même s’il l’avait quitté de manière assez abrupte, personne n’était capable de se souvenir des raisons, et Sakura était restée malgré tout très amoureuse de lui.
– Reste ici, Sakura, je vais te préparer le petit déjeuner.
Pendant que Tomoyo quittait la chambre, Sakura, toujours allongée dans son lit, fixait le plafond en pensant à Shaolan. Malgré sa distance, il avait été tellement gentil avec elle hier. Parfois, elle se demandait si lui aussi n’avait pas certains souvenirs du passé. Pour en avoir le cœur net, elle lui avait demandé, mais sa réponse était sans équivoque. Il ne l’avait jamais vu avant d’arriver à Tomoeda, et ne partageait pas les mêmes souvenirs. Il était là pour l’aider à capturer les cartes.
Une nouvelle carte passe à l’attaque
Alors qu’elle pensait déjà à leur prochain rendez-vous, elle fut interrompue par des bruits de vaisselle cassée, suivi d’un cri provenant du rez-de-chaussée.
– Aaaaah ! Sakura, viens vite !
Sakura bondit hors de son lit, et descendit les escaliers pour se diriger vers la cuisine. Tomoyo était là, et semblait terrorisée.
– Qu’y a-t-il ?
– J’étais en train de préparer à manger, et j’ai vu… un truc…
– Un truc ?
– C’était comme une ombre, elle a fait tomber des assiettes par terre.
– Un ombre ? Ca ne serait pas plutôt ton ombre ? Tu essaies de trouver une excuse parce que tu as…
Sakura s’interrompit en plein milieu de sa phrase.
– Sakura ? Qu’est-ce que tu as ?
– Désolée Tomoyo, pendant un moment j’ai douté de toi, mais je la sens, c’est une carte de Clow.
Elle se concentrait pour chercher où pouvait bien se cacher la carte.
– Derrière toi !
Sakura fit un demi-tour, et se retrouva face à une ombre informe, debout devant elle. Sans réciter d’invocation, elle fit apparaitre une épée dans sa main droite et fonça vers l’ombre pour lui porter un coup. Sakura la transperça, mais ce fut comme un coup d’épée dans l’eau. L’ombre se divisa en deux parties qui retombèrent au sol et se réunifièrent instantanément. Elle contourna Sakura, et fonça en direction de Tomoyo.
– Sakura, elle arrive vers moi…
Toujours plaquée au sol, l’ombre s’étira et encercla Tomoyo. Elle jaillit alors de part et d’autre d’elle, et l’enveloppa, avant de retomber sur le sol. Tomoyo venait de disparaitre.
– Nooon ! cria Sakura.
Toujours debout dans la cuisine, Tomoyo vit son amie crier et taper du poing sur la table. Elle essaya de lui parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. De même, elle voyait les lèvres de Sakura bouger, mais ne l’entendait pas parler. Mais en fait, c’était bien plus que ça. Aucun son ne parvenait à ses oreilles. Elle n’avait pas entendu de bruit lorsque son amie avait frappé sur la table. Elle essaya de frapper dans ses mains pour attirer l’attention de Sakura, mais là non plus, aucun bruit ne se fit entendre. Ce n’était pas tout, elle avait l’impression d’être totalement transparente. Lorsqu’elle se plaça devant son amie, cette dernière ne la vit même pas. Pire encore, elle continua son chemin, et la traversa littéralement. C’était une sensation étrange, mais pas si déplaisante.
Tomoyo devait se rendre à l’évidence, tout comme le chat de Schrödinger qui était à la fois mort et vivant, elle était à la fois là et pas là. Elle observait toute la scène, sans être réellement présente. C’est la carte qui devait être à l’origine de ça. Juste avant que ça n’arrive, une ombre l’avait enveloppée. Et maintenant, elle était un peu comme dans une autre dimension, voyant tout ce qu’il se passait, mais invisible aux yeux des autres. Certes, cette situation pouvait avoir ses avantages, elle pourrait par exemple espionner Sakura dans sa chambre, mais ce n’était pas viable sur le long terme. De toute manière, tout retournerait probablement dans l’ordre dès que Sakura aurait capturé la carte. Tomoyo n’avait qu’à attendre que son amie finisse son travail.
L’ombre se matérialisa sous la forme d’une petite fille, et fit face à Sakura.
– Mais, c’est moi quand j’avais dit 10 ans, se dit Tomoyo.
Sakura eut un moment d’hésitation avant d’attaquer à nouveau, épée à la main.
– Vas-y, Sakura, ne retiens pas tes coups, ce n’est pas moi, réduits là en poussière.
Tomoyo parlait seule, puisqu’aucun son ne se faisait réellement entendre. Mais elle encourageait malgré tout son amie dans son combat. Les coups d’épée qu’elle portait étaient inutiles. A chaque fois qu’un coup atteignait son adversaire, l’ombre se dissipait comme pour laisser passer l’épée, sans qu’elle ne la blesse. Puis, alors qu’elle tenait la carte Sword dans la main gauche, l’épée qu’elle tenait dans la droite se mit à scintiller. Comme pour imiter la carte qui venait de prendre un couleur rose, la lame de l’épée se teinta elle aussi d’une couleur rosée. Sakura venait de changer la Clow Card Sword en Sakura Card.
Le coup qu’elle abattit ensuite sur son ennemie fut le bon. Cette fois-ci, il avait bien atteint sa cible, et l’ombre commença à se dissiper peu à peu. Tomoyo voyait Sakura parler, mais ne sachant pas lire sur les lèvres, elle ne comprit pas ce qu’elle venait de dire. L’ombre totalement effacée, une nouvelle carte se matérialisa devant Sakura.
– Oh, Tomoyo, tu es revenue ! cria Sakura.
Tout semblait être rentré dans l’ordre. Tomoyo était à nouveau visible, et pouvait à nouveau entendre tout ce qui l’entourait.
– Sakura, c’était super, j’ai tout vu, tu as été incroyable.
– C’était assez perturbant de voir que cette carte avait emprunté ton apparence, mais je ne me suis pas laissée intimider.
– Normal, tu es la meilleure, ma petite Sakura.
Visite impromptue
A peine Sakura venait-elle de capturer Shadow, qu’elle entendit quelqu’un tambouriner à la porte.
– Sakura, Sakura ! cria la personne à l’extérieur. Ouvre-moi ! Tout va bien ?
De l’intérieur, Sakura reconnut la voix de Shaolan. Elle partit lui ouvrir la porte, la carte toujours dans la main. Face à face, Shaolan pointa son regard vers Shadow.
– Tu viens de la capturer ? demanda-t-il sans même la saluer.
– Bonjour Shaolan, merci, je vais bien. Et toi ?
– Ah, euh… désolé, bonjour Sakura. Ca va, j’avais senti la présence d’une carte, je suis venu dès que j’ai pu. Mais j’ai l’impression que tu n’as pas eu besoin de moi.
– Oui, c’est bon, elle a attaqué Tomoyo, mais plus de peur que de mal, j’ai fini par la capturer.
Tomoyo, remise de ses émotions, apparut derrière Sakura.
– Tu aurais vu, elle était géniale. Elle a transformé Sword, et elle a transpercé l’autre carte d’un coup d’épée.
– Qu’est-ce que tu veux dire par transformer ?
Sakura lui présenta alors Sword qui avait pris la teinte rose typique de ce que Tomoyo appelait désormais « Sakura Card ». Shaolan prit la carte dans sa main, la retourna et l’observa sous tous les angles.
– Qu’est-ce que c’est ? Ca ressemble aux cartes de Clow, mais la couleur n’est pas la même, et le cercle magique au dos n’est pas le même non plus.
– C’est une carte de Sakura ! répondit Tomoyo avec entrain.
– D’après Kéro, continua Sakura, c’est mon propre pouvoir, insufflé dans les cartes, qui change leur apparence. Elles deviennent plus puissantes, et donc plus efficaces pour en capturer des nouvelles.
– Je n’avais jamais vu ça, c’est incroyable que tu puisses créer tes propres cartes. Pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant ?
– Désolée, j’ai juste oublié de t’en parler. Ca faisait longtemps que je n’avais pas fait ça. Mais je n’ai pas créé de nouvelles cartes, il faut plutôt voir ça comme une transformation.
– Bravo Sakura, je ne pensais pas que tu étais si puissante.
Flattée par les compliments de Shaolan, Sakura rougit.
– Merci.
– Bon, vu que tu n’as pas besoin de moi, je vais vous laisser toutes les deux, bonne journée. Et penses à t’habiller quand même.
– Quoi ???
En ouvrant la porte, Sakura n’avait pas réalisé qu’elle était toujours en pyjama. Shadow avait attaqué dès la sortie du lit, ne lui ayant même pas laissé le temps de se changer. C’est donc dans cette tenue qu’elle avait réceptionnée Shaolan.
– Ma petite Sakura, tu es rouge comme une pivoine, lui fit remarquer Tomoyo, une fois la porte fermée. Il ne faut pas te mettre dans des états comme ça.
– C’est plus fort que moi. Quand il me dit des choses gentilles, qu’il me taquine, je perds tous mes moyens.
– Oui, je le sais bien.
– Mais tu as vu comment il a réagi ? Il aurait pu rester avec nous, on aurait pu continuer à discuter, mais il a tout simplement préféré partir. C’est ce que je te disais tout à l’heure. Froid au premier abord, même s’il est quand même venu jusqu’ici pour m’aider.
– De toute évidence, ce n’est pas lui qui fera le premier pas. Ca va être à toi de le séduire.
– Une fois de plus…
– Ca s’était déjà passé comme ça dans tes « souvenirs » ?
– Oui, on peut dire ça. Enfin, je crois que c’est moi qui ai fait le premier pas. Tu sais, je ne me souviens plus de tout. Je me souviens principalement des sentiments ressentis à cette époque, pas ce qu’il s’est réellement passé. Mais je suis sûre que c’est aussi lié aux cartes de Clow. Et un jour, je retrouverai tous mes souvenirs, comme je retrouverai Azusa.
– Tu vas y arriver, Sakura ! l’encouragea son amie.
En dehors de la maison, Shaolan observait la maison de Sakura. Il fut interrompu par une voiture qui venait de se garer juste à côté de lui.
– Shaolan, tout va bien ? J’arrive trop tard ? demanda une femme qui venait de sortir de la voiture.
– Ah, Mademoiselle Mizuki, c’est vous. A vrai dire, je suis arrivé trop tard moi aussi. Sakura avait déjà capturé la carte.
– Génial, Sakura maitrise de plus en plus ses pouvoirs.
– Oui, c’est vrai.
– Mais ? On dirait que quelque chose te tracasse.
– Mais quelque chose ne va pas. Cette carte qu’elle a capturée, Shadow, j’ai accouru aussi vite que possible, j’ai ressenti une forte hostilité. Comme avec Sword la dernière fois. Je n’ai pas pris le temps de demander à Sakura ce qu’il s’était passé aujourd’hui, mais elle m’a raconté son combat contre Sword. La carte était vraiment agressive, elle a failli blesser son amie. J’ai ressenti la même aura négative aujourd’hui. Les cartes de Clow ne devraient pas être comme ça.
– Je n’ai rien senti de particulier, mais je n’ai pas les mêmes pouvoirs que toi, c’est probablement normal. En revanche, c’est chez Sakura que j’ai ressenti cette hostilité. Depuis la disparition d’Azusa, elle considère les cartes comme ses ennemies. Elles ne font que réagir à son propre comportement.
– Vous avez certainement raison. Quand elle a combattu Sword, j’avais l’impression qu’elle voulait délibérément lui faire mal.
– Il faut qu’elle se reprenne. Tu dois l’aider.
– Mais comment ?
– C’est simple. Passe du temps avec elle, apprends-lui à maitriser ses pouvoirs, montre-lui que tu es son amie. Tu vas réussir à la raisonner, j’en suis persuadée.
– Je vais faire de mon mieux, merci du conseil.
– Au fait, ta mère m’a appelé plusieurs fois, elle n’arrive pas à te joindre.
– Désolé pour ça, je l’ai bloqué. Elle essaie à tout prix de me faire rentrer.
– Pourquoi veut-elle que tu rentres ? C’est justement elle qui t’a fait venir pour aider Sakura.
– En fait, elle m’a envoyé ici pour capturer les cartes puisque Sakura était dans le coma. Mais maintenant qu’elle est réveillée, ma présence n’est plus nécessaire, d’autant plus que Sakura est suffisamment puissante pour capturer les cartes d’elle-même. Mais comme je l’ai dit, quelque chose ne va pas avec les cartes. Ma mère ne veut rien entendre, elle veut que je rentre à tout prix.
– Je pense que tu as raison, c’est probablement mieux si tu restes ici. Un allié de plus, c’est toujours bien. Si ta mère me rappelle, je tenterai de lui expliquer.
– Bon courage alors.
– Tu veux que te ramène chez toi ? lui demanda Kaho en remontant dans sa voiture.
– Ca va aller, merci, je vais rentrer à pied.
– A bientôt Shaolan. J’ai confiance en toi, et en Sakura.
Après le départ de Kaho, Shaolan repartit de son côté, toujours songeur. Plein de mystères entouraient les cartes et Sakura, et il n’était pas capable d’y répondre. Sans compter ces transformations de Clow Card en Sakura Card. Comment une chose pareille était-elle possible ?
Sur son téléphone, il envoya un message à sa mère : « Shadow capturée, tout ne se passe pas comme prévu, je dois rester ».
Hong Kong, résidence des Li.
Avec un soupir d’exaspération, Yelan Li reposa son téléphone sur la table.
– Qu’y a-t-il ? demanda Wei.
– C’est Shaolan. Il vient de me dire qu’il ne rentrait pas. Soi-disant que tout ne se passe pas comme prévu, mais je sais pourquoi il reste vraiment, c’est pour Sakura. Ils pensent être plus forts tous les deux, mais leur rapprochement provoquera aussi leur perte. C’est déjà arrivé, ça se reproduira.
– Ma chère cousine, tu devrais davantage faire confiance à ton fils. Il n’est plus le petit garçon qu’il était avant, il n’est plus le lycéen insouciant. Cette fois-ci, il y arrivera.